Voici enfin la mise en coffret de l’intégrale des neuf symphonies de Gustav Mahler signée Jonathan Nott et le Bamberger Symphoniker. Aujourd’hui, l’impression d’ensemble de ce corpus imposant est une unité que l’on retrouve rarement dans les différentes intégrales proposées. Avec un souci du détail remarquable, Jonathan Nott parvient à insuffler à ces œuvres immortelles un esprit nouveau que chaque symphonie, prise à part, révèle de façon unique. Certes, tous les volets ne sont pas porteurs de la même inspiration. Certains ont même parfois été éreintés par une critique assassine, comme notamment une cinquième symphonie jugée inaboutie. Mais c’est oublier que sur l’ensemble les réussites ne manquent pas et font irrémédiablement oublier les reproches inévitables liés à des prises de risques induits par un discours musical novateur. Les Symphonies N°1, N°8, N°9 notamment sont des moments inoubliables. Moments inoubliables également avec les voix exceptionnelles de Mihoko Fujimura (symphonies N°3), Mojca Erdmann (Symphonies N°4), sans oublier le Chœur de l’orchestre de Bamberg, incontournable dans les symphonies N°2 et N°8. L’interprétation de Jonathan Nott se place donc dans la lignée de celles de Riccardo Chailly et Mariss Jansons, comme le dit si justement Peter Hagmann dans le livret d’accompagnement du coffret : « des interprétations combinant la précision du dessin musical avec des tempi mesurés et une grande expression ». Il importe aussi de saluer la prise de son d’une présence inouïe - puissance et clarté sont ses maîtres-mots - mettant en avant les timbres enchanteurs des différents pupitres. Mais laissons le mot de la fin au grand écrivain autrichien Stefan Zweig qui rédigea un poème grandiose et vibrant en l’honneur de son compatriote musicien : « La baguette dans sa main semble un aimant qui attire sans effort le métal des sons vers cette main ferme, et toutes les vagues où nous nous épuisons convergent vers lui, ce cœur rouge dans lequel la fièvre devient rythme, et le chaos vivant des éléments, claire mélodie ».
Jean-Jacques Millo |