L’Enlèvement au sérail est un opéra de Mozart où ce dernier prend de la maturité et de la hauteur de vue. En droite ligne du Singspiel allemand, Mozart ne fait pas que s’amuser, il réfléchit aux destins des êtres humains et aux phénomènes du pardon, de la gratitude, de la volonté de puissance sous des aspects de comédie. Retraduire pareille osmose ou semblable équilibre n’est pas simple. Pour réussir cela, on fait appel ici à Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff pour la mise en scène et à Michel Bercelo pour les décors. Les costumes sont aussi signés par Macha Makeïeff. Le tout paraît léger, emprunt d’une touche « frivole », théâtrale plutôt bienvenue. Là, où le bât blesse un peu, c’est du côté de la direction d’orchestre de Marc Minkowski, un peu sèche tout de même pour Mozart, mais bien enlevée aussi. Ca ne traîne pas. Si les deux rôles féminins principaux, Malin Hartelius dans Konstanze et Magali Léger dans celui de Blonde sont plutôt réussis, les deux rôles masculins, Matthias Klink dans Belmonte et Loïc Félix dans celui de Pedrillo, manquent singulièrement de force et de vivacité. Evidemment, en comparaison avec la version de Karl Böhm chez Deutsche Grammophon (Opus Haute définition N°1), cette version enregistrée au festival d’Aix-en-provence en juillet 2004 ne peut pas lutter, surtout pour le rôle d’Osmin, joué par Wojtek Smilek. La version Böhm reste indépassable avec l’interprétation de Martti Talvela. Cependant, voilà une interprétation agréable et enlevée.
Yannick Rolandeau |