Voici un fort célèbre opéra de Richard Strauss, La femme sans ombre, dont le livret a été écrit par Hugo von Hofmannsthal. En expiation d'un forfait commis par son père, une princesse a été privée d'ombre et de fécondité : elle ne peut devenir mère. Un subterfuge consisterait à acheter l'ombre d'une pauvresse, privant ainsi cette dernière de fécondité. La princesse s'y refuse in extremis, émue par le sort qu'on destine à la malheureuse. Cet instant de pitié est récompensé par une grâce surnaturelle qui efface la malédiction et restitue à la princesse son ombre et sa fécondité. Le philosophe Clément Rosset écrit à propos de cet opéra dans Le réel et son double : « En sorte que la femme avec ombre, qu'elle redevient à la fin de l'opéra, est la femme délivrée du maléfice du double qui aboutit dans tous les cas à situer le réel d'une personne précisément en dehors d'elle-même. La femme sans ombre est la femme avec double, car être sans ombre signifie qu'on est qu'une ombre soi-même, qui ne vaut que pour le réel qu'on double sans pouvoir y coïncider. (…) Le passage de la femme sans ombre à la femme sans double n'est autre que le retour de l'autre vers soi, de l'ailleurs vers l'ici, qui marque la reconnaissance de l'unique et l'acceptation de la vie. » L’interprétation du chef d’orchestre Wolfgang Sawallisch, enregistrée le 8 et 11 novembre 1992, au Aichai Prefectural Art Theater au Japon, possède une mise en scène sobre de Ennosuke Ichikawa. Les magnifiques décors sont de Setsu Asakura et les costumes tout aussi magnifiques sont de Tomio Mohri, la chorégraphie étant signée par Kanshino Fujima. Tout est remarquable dans cette vision nippone de l’opéra, très inspirée par le kabuki, Wolfgang Sawallich adorant tout spécialement cet opéra et le Japon. Les interprètes, fort heureusement, sont à la hauteur de l’événement.
Yannick Rolandeau Disponible sur | |
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