Cet opéra de Mozart est certainement l’un des plus grands et l’un des plus beaux qui soient. Réalité, illusions, tout bascule et chavire dans un monde ambigu à la limite de l’insoutenable car il mine notre intimité et ses certitudes les plus assises. Sentiments fugaces, frivolité des mœurs, fausseté des femmes et vanité des hommes, le monde est tragique et nous n’y pouvons rien. Face à cela, Mozart déploie un luxe musical hallucinant, d’un raffinement inouï, d’une « sereine sensualité » comme s’il tentait tout à la fois de nous secouer dans notre aveuglement mais aussi de consoler de ce tragique inconsolable par sa musique. Cette version du Cosi fan Tutte de Riccardo Muti fait une sérieuse concurrence au Cosi fan Tutte par… Riccardo Muti parue chez TDK (Opus Haute Définition numéro 12) il y a peu. Au niveau du prix, il n’y a pas photo car il ne vous en coûtera que quelques petits euros. Tout d’abord, nous avons des décors fort simples mais tout à fait pertinents. Ce qui nous permet de rentrer dans l’action avec une grande aisance et c’est bien le principal. Ensuite, les chanteurs et interprètes s’en sortent avec brio : Daniela Dessi en Fiordiligi, Delores Ziegler en Dorabella, Alessandro Corbelli en Guglielmo, Jozef Kundlak en Ferrando, Adelina Scarabelli en Despina et enfin Claudio Desderi en Don Alfonso sont tous plus ou moins à leur place. Bref, si ce n’est pas LA version ou une version d’exception, voilà en quelque sorte une interprétation qui nous fait redécouvrir des chefs d’œuvres avec une grande simplicité si l’on pouvait être rebuté par l’opéra. Et pour un prix modique, à condition de ne pas avoir non plus des oursins dans les poches.

Yannick Rolandeau