Avec cet hommage rendu au grand peintre de la renaissance italienne, Caravaggio (ou Caravage), Jordi Savall retrouve sa plume de compositeur et nous offre une longue évocation faîtes de compositions originales mais aussi d’improvisations et d’arrangements d’œuvres de Gesualdo, Monteverdi et Trabacci. En collaboration avec l’écrivain Dominique Fernandez, qui signe les textes du livret, il se penche sur une œuvre picturale des plus énigmatiques en révélant le lien mystérieux qui peut unir un tableau à la musique. Aujourd’hui encore, nous ne savons que peu de choses sur Caravaggio et comme le souligne Fernandez, « Cette ignorance où nous sommes est une chance inappréciable pour nous. Tout ce que nous pouvons dire de lui ne peut être tiré que de l’examen de ses tableaux. Un créateur se met tout entier dans ses œuvres, et c’est une erreur que de vouloir interroger sa biographie pour le comprendre mieux ». La musique de Jordi Savall nous entraîne au cœur de l’univers secret du peintre. Au travers de sept « stances » d’une profonde mélancolie, il interroge les tableaux du maître en plongeant l’auditeur dans un monde sonore à la fois sombre, profond et recueilli que la voix improvisatrice de Ferran Savall vient éclairer d’une touche de couleur lumineuse. Ces « lamentations » semblent alors inspirées par les affres de la création où la violence supposée de Caravaggio en est l’écho. Ouvertement inspirée, notamment par le travail quelque peu surestimé d’Arvo Part, la musique de Jordi Savall ne parvient pas à transcender son « modèle ». Ce qui est fort dommage, car au terme de ce voyage fascinant, envoûtant, et ce, malgré la qualité musicale des improvisations et des arrangements, seul le nom du compositeur estonien reste en mémoire.

Jean-Jacques Millo

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