Lorsqu'il débute la composition de Roméo et Juliette, au terme de l'année 1934, Prokofiev est de retour dans sa Russie natale, après un exil de près de 17 ans. Revenant à un style plus classique que certaines de ses œuvres précédentes, il achève la partition en quatre mois et voit sa création en 1940 au ballet Kirov de Leningrad. Cependant, les détracteurs du compositeur demeurent nombreux, dans un pays où Staline règne en despote sur toutes créations artistiques. "Bien sûr, certaines personnes essaieront de trouver des complications et des sens cachés que je n'ai jamais eu l'intention d'y mettre. Mais pour moi, c'est très simple. Il me fallait d'abord écrire une musique qui soit dansante, ensuite il fallait développer les caractères et particulièrement celui de Juliette. Si ces personnes ne trouvent ni mélodie ni émotion dans mon œuvre, j'en serai navré. Mais je suis sûr que tôt ou tard elles en trouveront". Nous voyons bien dans ces propos que Prokofiev se heurte à ce qui résulte d'une paranoïa généralisée qui gagnait tous les créateurs de la Russie d'alors. Et la justification qu'il donne de sa musique parait aujourd'hui d'un autre temps " Personne ne peut prétendre connaître mes intentions. Je recherche toujours la beauté dans la musique, et j'accorde une attention particulière à la mélodie que je considère comme l'élément primordial de mon œuvre. Si ma musique n'avait pas de beauté elle n'aurait pas de partisans, et je compte parmi eux quelques uns des plus grands musiciens du monde". Pour ce splendide enregistrement en pur DSD, Andrew Litton dirige un orchestre philharmonique de Bergen des grands jours. Choisissant de donner les trois suites dans l'ordre où les pièces apparaissent dans le ballet, il offre ainsi une nouvelle vision de l'œuvre, plus dramatique, plus sombre. La clarté du discours musical se conjugue alors avec une couleur d'ensemble saisissante où Prokofiev retrouve son visage de compositeur génial et inspiré. Un incontournable en SACD.
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