Le déconstructivisme n’a pas fini de déconstruire, car il est devenu (et a toujours été) un nouvel académisme déguisé. Et ce n’est pas parce que ce film a reçu l’international Emmy Award que cela va changer quelque chose. Rentrons un peu dans le détail… Dans la notice, la réalisatrice écrit : « La BBC m’a demandé de produire un film de 100 minutes, et j’ai décidé de me concentrer uniquement sur la relation entre Elisabeth et le comte d’Essex ; c’est pourquoi des scènes comme la mascarade de Norwich, avec ses remarquables danses chorales, ou le complot dans le jardin de la maison d’Essex, ont été omises. » Quel abruti ce Britten de n’avoir pas composé un opéra pour la BBC d’exactement 100 minutes ! Allez on coupe ! On ampute ! On castre ! On veut faire du Britten pace que Britten est un compositeur anglais et donc une valeur anglaise, mais on fera du Britten amputé au lieu de le respecter. Puis voilà que dans la mise en scène, on se met à recycler une vieille idée éculée, faire que les acteurs sortent de leur rôle en les montrant à la loge… Effectivement, les chanteurs chantent puis soudain, on les voit dans leur loge, notamment en train de se démaquiller. Britten serait-il d’accord ? On s’en moque de Britten et comme il est mort, on peut faire ce qu’on veut de son œuvre et de toute façon, on justifiera n’importe quelle pirouette pour faire sensation ou nouveau… Même le chef d’orchestre n’est pas très emballé de faire du déconstructionnisme comme il le dit lui-même dans une interview. À part tout cela, on peut dire que les décors sont soignés que les chanteurs et chanteuses sont remarquables, jouant et chantant avec une grande tension cette superbe partition de Benjamin Britten amputée. Mais désolé, je ne prends du Benjamin Britten que livrer en entier.

Yannick Rolandeau

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