Le grand pianiste Wilhelm Kempff disait en son temps à ses élèves: « Beethoven doit être éprouvé. Eprouvez-le, ainsi vos auditeurs l’éprouveront aussi. Beethoven réclame des exigences incalculables en ce qui concerne la dextérité du pianiste. Il exige de la main des prouesses qui ne peuvent être acquises que par des années d’efforts. Et ce qui est étrange, c’est que dans chacune de ses grandes Sonates, de nouveaux problèmes techniques apparaissent, qui ne sont pas résolus par le travail acquis jusque-là… Une fois rassemblé le matériau technique, nous pouvons aller plein de confiance à la conquête de l’univers beethovénien. Mais alors, puisqu’il s’agit d’un monde, on ne peut le conquérir en un jour…. ». Fabrizio Chiovetta embrasse littéralement les trois dernières sonates du maître de Bonn dans une technique parfaite, mais laissant de côté profondeur, respirations et émotion. La froideur de son discours musical ne peut refléter, en aucune manière, l’esprit philosophique de ces derniers opus. Alors oui, la maturité venant, tout rentrera peut-être dans l’ordre de ce monde insaisissable.

Jean-Jacques Millo