Après La passion selon Saint Jean, voici la Messe en si mineur du même Bach avec le même chef d'orchestre. Une messe à cinq voix que le Cantor composa en deux fois, tout d'abord en 1733 puis en 1740, initialement donc avec un Kyrie et un Gloria. Il ajouta plus tard un Sanctus (composé cependant en 1724) et un quatrième bloc avec l'Osanna, le Benedictus, l'Agnus Dei et le Dona nobis pacem. Comme pour la Passion chroniquée précédemment, Karl Richter (1926-1981) possède dans cet enregistrement du 12 au 28 septembre 1969 à la Klosterkirche (Diessen am Ammersee) les plus belles, ou presque, voix du moment : Gundula Janowitz, Hertha Töpper, Horst R. Laubenthal et Hermann Prey. On pourrait parler ici de leur beauté mais tant d'autres l'ont déjà fait. Le plus étonnant, le plus poignant et le plus émouvant certainement, c'est le choeur qui atteint à une rare beauté et à une rare plénitude, notamment dans le Symbolum Nicenum (Credo), précisément à « Et incarnatus est » et à « Cruxifixus ». À tant d'autres aussi. Époustouflant. Rien que pour cela, on peut acheter le DVD les yeux fermés. Karl Richter a un petit quelque chose pour réussir pareil exploit. Voici ce que disait le grand ténor Peter Schreier à propos de lui : « Je n'ai, à ce jour, jamais entendu exécuter ce monumental chef d'oeuvre de Bach comme le faisait Karl Richter. Si tel ou tel détail de son approche et de son interprétation peut être contesté, l'intensité phénoménale avec laquelle Richter dirigeait demeure, elle, indiscutable. Une intensité qui fascinait le public et faisait se surpasser les interprètes. » C'est très bien résumé. La captation non pas en vidéo mais en pellicule 35mm a aussi beaucoup de charme. Le report a dû subir, lui, des problèmes car il y a quelques légers tremblés par moment. La messe se termine sur un étrange plan fixe sur la grille d'un portail et reste figé sur lui. Comme s'il manquait de la pellicule en quelque sorte...À part cela, je pense que les interprétations de Bach par Karl Richter ont encore de beaux jours devant eux.
Yannick Rolandeau |