Voici un Super Audio CD généreux qui nous propose plus de 80 minutes de musique pour piano, celle des œuvres tardives de Johannes Brahms. Les Fantaisies op.116, trois Intermezzi op.117, Les pièces pour piano op.118 et 119. Un programme des plus enthousiasmants. Et nous sommes heureux de retrouver le jeu atypique de la grande Elisabeth Leonskaja qui, dès les premières notes, donne le ton juste, le poids idéal de chaque inflexion, de chaque phrasé. Le souffle inimitable qui parcourt alors chaque œuvre abordée revisite le sens des partitions pour ne laisser du compositeur que l’image d’une âme mélancolique et passionnée à la fois. Une âme habitée de pensées et de sentiments révolus. Certes, même si elle est longuement réfléchie et mûrie, l’interprétation de Leonskaja n’est pas de celles que l’on aborde pour une découverte de ces œuvres. Elle fait plutôt partie d’un chant intérieur que l’âge seul peut délivrer. L’âge de la réflexion, de la serenité, celui aussi qui ne s’embarrasse plus des contraintes que le doute et l’interrogation font naître. Le Brahms de la grande pianiste est beaucoup plus que l’évocation d’un univers fabriqué d’images d’Epinal. Il est l’incarnation d’un langage intérieur ouvrant l’espace au-delà des notes, au-delà de la musique même. Un langage simplement humain. Un enregistrement que l’on abordera donc pour parfaire sa réflexion sur un compositeur incontournable.

Jean-Jacques Millo