Superbe programme que celui proposé par cet enregistrement. Composée en septembre 1851, la Sonate pour violon et piano n°1 Op.105 sera créée le 21 mars de l'année suivante. Schumann, on le sait, vivait alors une période plus que difficile, entre créativité exacerbée et dépérissement mental. Sa partition reflète cette agitation douloureuse. La seconde Sonate pour piano et violon Op.121 fut, quant à elle, composée en huit jours à peine en 1851 et remaniée pour une édition qui n'intervint qu'en 1854 alors que le compositeur était déjà interné. Avec les Pièces de Fantaisie Opus 73 pour clarinette et piano datant de 1849, Schumann se fond dans un lyrisme aux couleurs sombres et nostalgiques que le timbre de la clarinette vient encore renforcer. Ici, c'est la transcription pour violon et piano que nous entendons. Disons-le sans détour, l'interprétation de la violoniste Dora Schwarzberg est sidérante. Jamais une telle fougue, un tel engagement, une telle passion ne furent entendues dans ces œuvres. C'est véritablement époustouflant. Sa virtuosité semble sans cesse au bord de la rupture et l'on reste pantois devant une telle "fureur musicale". Dora Schwarzberg vit ces œuvres au plus profond de sa chair et cela s'entend. Elle confesse d'ailleurs: "J'aime un grand nombre de compositeur, mais je suis amoureuse de Schumann. J'ai déjà eu la chance d'enregistrer une de ses sonates en live avec Martha Argerich dans le cadre du projet Schumann, mais je ne pensais plus le réenregistrer. Jouer la musique de Schumann implique de plonger au plus profond de ses sentiments et comme dans la vie, c'est très difficile. Il faut trouver un juste équilibre entre le cerveau et le cœur, c'est un exercice vraiment périlleux. C'est plus facile quand on aime que quand on est amoureux". Une interprétation unique qui ne ressemble à aucune autre, un disque extrême pour des sensations inoubliables.

Jean-Jacques Millo