La comédie « Arabella » de Richard Strauss serait, selon Bernard Banon, auteur du remarquable ouvrage “L’opéra selon Richard Strauss” paru chez Fayard, “l’ultime étape d’une série d’ouvrage en retard sur le temps, écrits par un librettiste nostalgique du monde d’hier et mis en musique par un compositeur qui, après avoir incarné une certain avant-garde, puise dans un réservoir hétéroclite de recettes musicales ; toutes les composantes sont là pour une œuvre culinaire, pur plaisir des sens offert à un public désireux de noyer la morosité du réel sous les ors d’un passé forcément meilleur. A tel point que l’amertume du sujet est la plupart du temps oubliée, ou qu’il est difficile de la retrouver sous une musique décidément trop belle pour être tout à fait vraie ». L’enregistrement proposé aujourd’hui par le label Challenge Classics est une pure merveille, dans laquelle la direction de Marc Albrecht transcende avec bonheur la musique de Richard Strauss. Ce qui, soit dit en passant, ne semble guère évident pour nombre de versions quelque peu amorphes comme notamment celle dirigée par Jeffrey Tate avec Kiri Te Kanawa. Jacquelyn Wagner dans le rôle titre, Agneta Eichenholz dans celui de Zdenka, James Rutherford dans celui de Mandryka, avec Will Hartmann pour Matteo et Susanne Elmark pour Die Fiakermilli semblent tous impliqués dans une dynamique vivante, voire virevoltante pour un théâtre des plus charmeurs. A écouter sans tarder.

Jean-Jacques Millo