C’est la bouteille à encre… Ce genre de sujet devient agaçant car depuis quelques années, l’époque vomit son histoire, comme le rappelle Milan Kundera. Personnalités (Ingmar Bergman, Gunther Grass…), institutions (SNCF)… etc. sont passés à la moulinette : avez-vous été nazi ou avez-vous participé à une telle terreur ? Il est toujours facile si longtemps après, le bouillard s’étant dissipé, d’instituer des procès rétrospectifs et à répétition en oubliant ou en passant à la trappe ceux qui collaborèrent au régime stalinien… Quoi qu’il en soit, il n’y a aucun risque à se mettre dans le bon camp en oubliant de saisir les phénomènes contemporains plus que troublants. Comme le rappelle le reportage, l’orchestre philharmonique de Berlin à cette époque était une société à responsabilité limitée, fondée en 1903, et dont les membres sont les seuls actionnaires. Ils désignent par cooptation un conseil d’administration qui régit toute la vie de l’orchestre, de la programmation au budget, en passant par les répétitions et les contrats. Tout cela pour dire que l’orchestre a bien des difficultés financières au lendemain de la première guerre mondiale et suite à l’inflation et la crise de 1929, et ce malgré les concerts à succès sous la baguette du célèbre chef Wilhelm Furtwängler. On comprend bien qu’à l’arrivée de Hitler au pouvoir, Goebbels s’empare de l’orchestre pour en faire une fierté culturelle allemande. La bêtise n’a pas de nom. A partir de là, on apprend par divers témoignages qu’il y avait 18% des 103 musiciens de l’orchestre qui s’inscrivit au parti nazi. Le film interroge donc anciens musiciens, fils ou filles de solistes sur ce qu’il se passait réellement dans l’orchestre, et bien sûr, notamment quand quatre musiciens, le violon solo Szymon Goldberg, le violoniste Gilbert Back, et les deux violoncellistes Joseph Schuster et Nicolai Graudan durent quitter l’orchestre parce qu’étant juif. Le film est assez objectif et n’opère pas de procès particulier tellement la situation était difficile et complexe à cette époque. Un point étonnant, le reportage ne s’interroge guère sur ce que pensait réellement Wilhelm Furtwängler de tout cela. Et même, ce n’est pas évoqué. A noter le témoignage fort émouvant du musicien Bastiaan.
Yannick Rolandeau Disponible sur | |
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