Voici certainement un des volets les plus aboutis de l’intégrale en cours des symphonies de Beethoven par Osmo Vanska. La première symphonie du maître de Bonn vit sa création à Vienne, au National Hoftheater, en 1800, et la critique d’alors fut partagée : « Plutôt une musique militaire qu’une musique d’orchestre d’ensemble », ou encore, « Hélas ! On ne fait que déchirer bruyamment l’oreille, sans jamais parler au cœur ». La symphonie N°6 en fa majeur Op. 68 dite « Pastorale » est d’un tout autre acabit que l’opus 21. Elle fut créée huit ans plus tard en 1808 à Vienne. Là aussi, la critique fut partagée et de grands noms du monde musical donnèrent leur avis. Ainsi, Hector Berlioz en 1838 : « Cet étonnant paysage semble avoir été composé par Poussin et dessiné par Michel-Ange. L’auteur a sans doute créé cet admirable adagio [sic ! Au Bord du Ruisseau] couché dans l’herbe, les yeux aux ciel, l’oreille au vent, fasciné par mille et mille doux reflets de sons et de lumière, regardant et écoutant à la fois les petites vagues blanches, scintillantes du ruisseau, se brisant avec un léger bruit sur les cailloux du rivage ; c’est délicieux ». Ou encore Claude Debussy en 1903 : « La popularité de la Symphonie Pastorale est faite du malentendu qui existe assez généralement entre la nature et les hommes. Voyez la scène au bord du ruisseau !... Ruisseau où les bœufs viennent apparemment boire (la voix des bassons m’invite à le croire). Dans cette symphonie, Beethoven est responsable d’une époque où l’on ne voyait la nature qu’à travers les livres … Cela se vérifie dans l’Orage qui fait partie de cette même symphonie, où la terreur des êtres et des choses se drape dans les plis du manteau romantique, pendant que roule un tonnerre pas trop sérieux ». A la tête de l’orchestre du Minnesota, Osmo Vanska offre ici une vision claire, légère, sans emphase, de ces partitions. Sous sa direction, la Pastorale retrouve sa place dans une tradition classique plutôt que romantique. Certes, cette « légèreté » peur déranger, mais le discours musical est infaillible car pensé de bout en bout comme une peinture idéale où la beauté viendrait des couleurs et non du sujet. Un disque admirable.
Jean-Jacques Millo This is certainly one of the most accomplished volumes in the complete Beethoven symphonies being undertaken by Osmo Vanska. The first symphony by the Bonn master was first performed in Vienna at the National Hoftheater in 1800, and the critics were divided: “More like military music than music for a full orchestra”, or “Alas! One’s ear is assaulted from the noise without ever one’s heart being touched.” Symphony N°6 in F major Op. 68, the “Pastoral”, is a bird of a different feather in comparison to Op. 21. It was first played in Vienna eight years later in 1808. Here too, the critics were divided, and the big names in music had their word to say. Thus, Hector Berlioz in 1838: “This surprising landscape seems to have been painted by Poussin and sketched by Michelangelo. The author no doubt created this admirable adagio [sic! Alongside the River] lying in the field, eyes on the sky, ears to the wind, fascinated by thousands and thousands of reflections of sound and light, both looking at and listening to the small sparkling white waves of the river breaking lightly onto the shore pebbles; it is deightful.” Or Claude Debussy in 1903: “The popularity of the Pastoral Symphony is due to the misunderstanding that generally exists between nature and man. Look at the scene alongside the river! A river where the cows apparently come to drink (the voice of the bassoons, if I am not mistaken). In this symphony, Beethoven is responsible for an era in which one only saw nature through books… This is verified in the Storm which, as part of the same symphony, evokes a terror — our own and our’s of other things — that is draped in the pleats of the romantic cloak while the not-very-serious thunder thunders.” Leading the Minnesota Orchestra, Osmo Vanska here offers a clear, light and unexaggerated vision of these scores. Under his direction, the Pastoral gets back to a classical tradition rather than one that is romantic. For sure, this “lightness” might disturb some, but the musical discourse is infallible for thought-out from beginning to end, like an impeccable painting whose beauty comes from its colors and not from it subject. An admirable disc. Translation Lawrence Schulman Disponible sur | |
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