Grande figure de la musique nationaliste d’Islande, le compositeur Jon Leifs (1899-1968) entreprit son grand œuvre « Edda » dans un climat pour le moins précaire puisqu’il confiait alors à sa sœur, en 1932 : « Je suis assez inquiet, car il est impossible pour moi d’entamer une telle composition à moins de compter sur deux ou trois années durant lesquelles je pourrais travailler sans avoir continuellement des soucis d’argent ». La vaste partition du musicien islandais est un oratorio en trois parties (La Création du Monde, La Vie des Dieux, Crépuscule et Résurrection) dont la dernière ne put être achevée à cause de la mort de Leifs. Bien évidemment la comparaison avec la Tétralogie de Richard Wagner portant sur la même thématique mythologique ne peut être occultée. Mais là où le compositeur allemand offrait un visage romantique aux héros nordiques, Leifs en donne une vision plus « réaliste » dans laquelle la dimension déclamatoire devient capitale. Il est vrai que l’œuvre de Wagner demeure dans le genre de l’opéra alors que l’Edda de Leifs est un oratorio. Cependant, la musique de ce dernier est d’une puissance évocatrice envoutante faisant la part belle au chœur. Enregistrée ici en première mondiale, « La Création du Monde » nous fait découvrir un univers à la fois austère et lumineux où de sombres beautés jalonnent un discours musical original. A la tête de l’orchestre symphonique d’Islande, Hermann Bäumer défend cette partition avec ferveur et passion faisant naître, au fil de l’écoute, l’envie de connaître la suite. Une réussite.

Jean-Jacques Millo

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