Né en 1928, Karlheinz Stockhausen fut notamment l’élève des compositeurs Frank martin et Olivier Messiaen avant de se tourner vers Pierre Shaeffer et son studio de musique concrète. Mais c’est avec Pierre Boulez qu’il cherchera à créer un nouveau langage musical en exploitant la méthode sérielle comme jamais auparavant. « Stimmung », dont la composition remonte à l’année 1968, est à l’origine une œuvre pour deux sopranos, mezzo-soprano, ténor, baryton et basse. Ces six chanteurs vocalisent, à l’aide d’un micro, sans paroles ni accompagnement. Aujourd’hui, Paul Hillier et son ensemble « Theatre of Voices » en offrent une nouvelle création (version de Copenhague) qui, comme le précise Hillier lui-même, saisira « le son de la pièce en concert et non dans une relation purement et simplement voix-micro ». Et le résultat demeure toujours aussi fascinant près de soixante ans après la création de l’œuvre. L’ensemble vocal rivalise ici de subtilités d’intonations et de souffles pour une métamorphose des plus mystérieuses, et il est intéressant de voir, comme le souligne une nouvelle fois Paul Hillier, que « l’expérience californienne du compositeur, pendant les années 1960, marqua profondément sa musique, comme en témoigne Stimmung. Berio lui aussi avait enseigné en Californie et comptait parmi ses étudiants Steve Reich. On commençait tout juste, ajoute t-il, à considérer le potentiel de la voix en (tant que source sonore au-delà des signes conventionnels) comme un champ d’exploration musicale-ce dont les poètes, eux, avaient toujours eu conscience. Et bizarrement, l’ordinateur et le musique électronique semblent avoir poussé les compositeurs à chercher dans cette direction ». Une œuvre moderne à redécouvrir dans un son multicanal des plus appropriés.

Jean-Jacques Millo