En DVD, il existe peu de Jenufa, le chef-d'œuvre de Janacek qu’il composa en 1903 et qu’il acheva au chevet de sa fille mourante Olga. Grâce à Milan Kundera notamment, ce compositeur a été de plus en plus joué et son esthétique de mieux en mieux comprise, non par un développement sentimental mais par de petites cellules rythmiques destinées à exprimer les sentiments des personnages. Par expressivité maximale, Milan Kundera écrit dans le livret d’accompagnement des Oeuvres pour piano (Harmonia Mundi) par Alain Planès : « La rupture avec le romantisme ne le [Janacek] conduit pas, comme c’est le cas de Strawinsky, à une « a-sentimentalité », mais au contraire à une expressivité accrue ; son intention de capter des émotions inconnues ; jamais exprimées, de les capter dans leur immédiateté, exclut de sa musique tout ce qui se trouve au-delà de l’émotion, notamment tout le travail technique de transitions, de développements, de remplissages polyphoniques ; pour être concentration d’une émotion, sa « définition » exacte, les mélodies janacékiennes sont brèves, denses, et brutalement confrontées les unes aux autres. » Voici une représentation insatisfaisante donnée du 27 mai au 2 juin 2005 à Barcelone. Certes, il sera difficile de concurrencer la version de Charles Mackerras avec Elisabeth Söderström dans le rôle titre chez Decca. La mise en scène d'Olivier Tambosi est conceptuelle, c’est-à-dire cérébrale. Elle utilise par exemple une estrade triangulaire où évoluent les principaux protagonistes. Le fond du décor montre un ciel de fin de journée ensoleillée ainsi qu'un champ de blés blonds. L'acte II baigne dans une lumière bleue sombre et l’on voit un énorme rocher sur la scène. Olivier Tambosi veut symboliser à outrance. Le rôle-titre est interprété par la remarquable Nina Stemme dont la voix de soprano, pleine et ample accomplit des miracles. En retrait, Pär Lindskog dans le rôle de Steva et Jorma Silvasti dans celui de Laca ont un peu moins d’implications. Rien de déshonorant cependant. Eva Marton a perdu de sa superbe mais reste magnifique dans l’interprétation de la Kostelnicka. Le jeu de l'Orchestre du Liceu se montre vigoureux mais manque parfois de couleurs. Un DVD plus important au niveau des voix que du côté du décor, voire de l’orchestre.
Yannick Rolandeau Disponible sur | |
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