L’affaire de Loudun (1632-1634) défraya la chronique. Au nord de Poitiers, la prieure d'un couvent d'ursulines, soeur Jeanne des Anges, est saisie d'hallucinations. Elle voit des âmes qui souffrent en purgatoire. Bientôt, accompagnée de nombre de ses « filles », elle se livre à des scènes de délire collectif, avec cris, convulsions, et obscénités. Elle accuse un curé de la ville, Urbain Grandier, d'avoir envoyé des diables dans son couvent. Ce Grandier est un prêtre de qualité mais un peu voyant. Il a beaucoup d'ennemis et s'est moqué des ordres moins tournés vers la connaissance, plus humbles, comme les cordeliers ou les capucins. Malgré ses relations, il n'a pu empêcher quelques histoires sentimentales d'être colportées à son sujet, et il a même dû en répondre en justice. L’aspect politique n’est pas négligeable. Richelieu connaît Grandier et ne l'aime pas. L'affaire est menée rondement. Convaincu du « crime de magie, maléfice et possession », il est condamné, le 18 août 1634, à faire amende honorable, nu-tête, nu-pieds, la corde au cou, devant l'église de Saint pierre-du-Marché à Loudun. Il est conduit sur la place de Sainte-Croix, attaché à un poteau et brûlé. Il est exécuté le lendemain, devant six mille personnes. Il ne parlera pas et n’avouera jamais. Bref, le compositeur Penderecki nous retrace cet épisode avec beaucoup d’exactitude d’après une dramatisation de John Whiting inspirée elle-même du livre d’Aldous Huxley. Etrange partition, violente, n’évitant pas parfois le pathos. A cet égard, cette production de Rolf Liebermann est fidèle, reprise du CD sorti chez Philips. Malgré ici quelques lourdeurs et exagérations (on est plus du côté de Zulawski que de Polanski), le film est cependant impressionnant de noirceur et pour cette raison, vaut le détour. Le point fort est l’interprétation des chanteurs, poignante et cinématographique, tous autant qu’ils sont, de Tatiana Troyanos dans le rôle de Jeanne à Andrzej Hiolski dans celui de Grandier en passant par Bernard Ladysz et Hans Sotin. La direction de Marek Janowski est tout aussi remarquable, lugubre à souhait. Elle nous fait toucher à l’intolérable d’une telle histoire qui peut prendre quiconque pour bouc émissaire. Et ce n’est pas peu dire car suivra une autre affaire, celle de Louviers (1643-1647). Est-ce ainsi que sont les hommes ? Et la réponse est oui. A noter le remarquable film d’un autre polonais Jerzy Kawalerowicz, Mère Jeanne des Anges.
Yannick Rolandeau Disponible sur | |
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