Opus Haute Définition e-magazine

W. A. Mozart

Don Giovanni

Thomas Allen, Sergej Koptcha, Edita Gruberova, Ann Muray, Claudio Desderi, Francisco Araiza. Orchestre et Choeur du Théâtre de la Scala. Riccardo Muti (direction)

Brilliant Classics 93044, Abeille Musique

DVD stéréo

Ce chef d’œuvre de Mozart, d’après le livret de Da Ponte, relève du défi sur le plan interprétatif. Il s’agit ici, ni plus ni moins, que de réussir l’alliage parfait entre la légèreté et la profondeur, évitant d’un côté un classicisme trop rigide et de l’autre un romantisme hors de propos. Comédie et drame doivent se marier à la perfection. Enregistré en 1987 dans le prestigieux théâtre de la Scala à Milan, la mise en scène de Giorgio Strehler séduit d’autant que les grands décors jouant astucieusement de l’ombre et de la lumière et que l’éclairage se plaît à dessiner de délicats contre-jours. Tout indique l’univers crépusculaire préfigurant la tragédie du désir et la chute finale du héros. Enfin, une réelle et grande mise en scène ! Riccardo Muti ne s’en sort pas trop mal sans être non plus surprenant. Sa direction est vive sans être enlevée, n’arrivant que trop rarement à nous faire éprouver la grâce mozartienne. Cependant, cela reste d’un haut niveau. Ce sont les rôles féminins qui s’en sortent le mieux, avec une Ann Muray pleine de fureur vengeresse dans le rôle de Donna Elvira, une Edita Gruberova rongée par la culpabilité dans celui de Donna Anna et surtout une gracieuse et charmante Suzanne Mentzer incarnant Zerlina. Les rôles masculins sont plus en retrait : Natale de Carolis est un Masetto un peu terne, Claudio Desderi un Leporello manquant parfois d’aisance(scène du catalogue) tandis que Francisco Araiza est un Don Ottavio trop effacé. Rien d’alarmant rassurez-vous. Quant à Don Giovanni incarné par Thomas Allen, il oscille entre l’excellent et le passable, parfois plein d’audace et parfois cherchant désespérément son charisme. La scène de l’apparition de la statut du commandeur déçoit : tout d’abord, la statue en elle-même se fond trop dans le décor et manque singulièrement de présence tandis que l’interprétation n’évoque guère le drame en train de se nouer. La réalisation visuelle est belle et soignée, sans être palpitante. Néanmoins, une belle version à un prix défiant toute concurrence. Et surtout une vraie et réelle mise en scène !

Yannick Rolandeau

Visuel