Second opéra de Rachmaninov, The myserly knight (Le chevalier avare), d’après l’œuvre de Pouchkine, est dramatiquement très singulier. D’une courte durée, une heure environ, composé de trois volets, il nous raconte l’histoire d’un Baron qui laisse son fils Albert dans un grand dénuement. Ce dernier n’a recours, le plus souvent, qu’à des prêteurs sur gages. Quand le Duc met le Baron en face de son avarice, Albert apparaît et est provoqué par son père en duel. Sous le choc, le Baron meurt. Chose étrange, car il n’y a pas à proprement parlé d’histoire. Le second volet, par exemple, est un monologue de vingt minutes où le Baron s’extasie sur sa fortune accumulée avec une certaine morbidité et sexualité (la mise en scène rajoute tout au long de l’opéra une femme funambule pour en renforcer l’aspect symbolique). Autrement dit, il ne se passe quasiment rien. A l’évidence, ce thème de l’avare n’est pas traité ici à la façon de Molière. C’est le moins que l’on puisse dire et avec Rachmaninov, musicien qui prend ses sources du côté de Tchaïkovski et de Wagner, c’est sombre et dépressif à souhait. Pathos. C’est dire que si l’intrigue est mince et la dramaturgie quasi inexistante, le climat poisseux n’arrange pas nos affaires et nous plonge la tête dans les affres de l’avarice plutôt que de nous le faire comprendre avec un peu plus de distance. Bref, les chanteurs ne sont pas tous au point (l’usurier Viacheslav Voynarovsiy notamment frise le ridicule) et Richard Berkeley-Steele dans le rôle d’Albert et de Sergei Leiferkus dans celui du Baron s’en sortent bien. Le bon point vient plutôt de la direction d’orchestre de Vladimir Jurowski qui défend la partition avec un certain panache. En supplément, le DVD offre une interview intéressante. Bref, un opéra mineur… Yannick Rolandeau |