Opus Haute Définition e-magazine

F. Schreker

Die Gezeichneten

Robert Hale, Michael Volle, Wolfgang Schöne, Anne Schwanewilms, Robert Brubaker. Deutsches Symphonie-orchester Berlin. Kent Nagano (direction)

EuroArts 2055298, Harmonia Mundi Distribution

DVD stéréo / DTS

Franz Schreker (1878 – 1934) travailla à Vienne avec Arnold Rosé et Robert Fuchs, composa la pantomime l'Anniversaire de l'infante, fonda le Choeur philharmonique et enseigna la composition dans la capitale autrichienne et à Berlin. Son plus grand succès fut l'opéra Der ferne Klang, (1912). Poussé à la démission par les nazis, il sera victime d'une crise cardiaque quelques mois plus tard. L’art de Schreker, avec sa sensualité orchestrale et ses courts motifs, tient à la fois de Richard Strauss, Richard Wagner et Gustav Mahler ; il sera un peu oublié à cause de l'influence croissante de Schoenberg. Voici donc un autre opéra intitulé Die Gezeichneten (la première eut lieu le 25 avril 1918) que l’on pourrait traduire par Les Maudits, ou Les Marqués et dont les personnages sont effectivement marqués par le destin. Nous sommes ici en pleine modernité alors que l’action se situe à Gênes au XVIe siècle. L’histoire est celle d’Alviano Salvago, aristocrate bossu, avide de beauté, qui s’est créé un eden avec une île en pleine méditerranée où lui-même ne s’aventure pas, ayant peur de profaner par sa laideur tant de beauté ! Il en laisse l’accès à ses amis, lesquels en usent et en abusent en faisant des orgies avec les filles des bourgeois de Gênes. Jusqu’au jour où Alviano rencontre Carlotta, jeune et belle artiste atteinte d’une maladie cardiaque. Elle s’offre à lui et au moment où Alviano succombe, Carlotta se refuse et se jette dans les bras de Tamare, un ami d’Alviano. Fou de jalousie, Alviano tue Tamare qui proclamait que « la beauté appartient aux forts ». Comme on le voit, l’ambiance est lourde. Décadence, art et instinct, idéal et brutalité, sexe et beauté, invasion du morbide, naufrage de la civilisation, cette représentation du 26 juin 2005 à Salzbourg rend hommage à la complexité d’une partition avec un certain succès. Sur toute la largeur de la scène gît une statue brisée, un corps féminin que les interprètes principaux (tous excellents aussi bien Anne Schwanewilms dans le rôle de Carlotta, Robert Brubaker dans le rôle de Alviano et Michael Volle dans celui de Tamare) gravissent et parcourent à volonté. La mise en scène de Nikolaus Lehnhoff est souvent inventive et l’on peut reprocher aux costumes leur côté « design » (une fois encore) qui ne sont pas loin de faire kitsch, notamment vers la fin. A noter que Kent Nagano s’en sort magistralement en mettant le feu à la partition. Une oeuvre et un DVD à découvrir

Yannick Rolandeau

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