Aujourd'hui, Les Quatre Saisons de Vivaldi sont certainement les œuvres les plus enregistrées. On ne compte plus le nombre de versions en tous genres, qu'elles soient sur instruments modernes ou d'époque, et parfois même sur matériel électronique. Je me souviens en effet, d'un disque purement opportuniste, fait pourtant par des musiciens classiques intitulé "Vivaldisco". Tout un programme ! De même, les dérives interprétatives qui ont rendues célèbre l'ensemble italien Il Giardino Armonico, qu'en reste t-il aujourd'hui ? Comment peut-on alors aborder Les Quatre Saisons après de tels travers ? Et bien tout simplement en retrouvant l'âme de l'œuvre… sa poésie. Et c'est ce que font, avec bonheur, Dan Laurin et sa flûte à bec avec l'ensemble Arte Dei Suonatori. Laurin parvient, par un véritable tour de force à imposer un instrument pour le moins ingrat et difficile que l'on n'attendait pas dans ces partitions. Dans le livret d'accompagnement le virtuose donne le clef originelle du rejet de son instrument en précisant : "Les Grecs systématisèrent l'influence des gammes différentes sur la psyché humaine. La république de Platon indique quelle musique est éducative et bénéfique et précise quelle musique doit être évitée en raison du danger qu'elle peut causer au niveau moral. Le but était d'utiliser tous les arts qui mènent à la vérité au profit de l'état et, par conséquent, de bannir tous les autres arts parce que "menteurs". Cela eut un effet sur la musique instrumentale et sur les instruments qui n'avaient pas de genre ou de fonction spécifiques et qui pouvaient être utilisés dans plusieurs contextes. Platon a rangé mon instrument, la flûte, dans cette catégorie. Je ne le lui pardonnerai jamais". C'est donc une interprétation des plus enthousiasmantes que nous propose Dan Laurin. L'incroyable virtuosité qu'il tire de sa flûte à bec est proprement inouïe. L'enchantement est alors total et l'apparente fragilité de l'instrument renforce d'une façon inattendue la poésie de ces œuvres universelles. En complément, vous pourrez également savourer, le Concerto pour cordes RV 124, ainsi que les Concertos pour flûte et cordes RV 437 et RV 441. Une Super Audio CD remarquable et inespéré.

Jean-Jacques Millo

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