À la fin des années 1870, Anton Dvorak (1841-1904) est encore un musicien en quête de reconnaissance. L’éditeur berlinois, Fritz Simrock, encouragé par Johannes Brahms, lui commande une série de danses pour piano à quatre mains. Le modèle est clair : les « Danses hongroises » de Brahms avaient rencontré un succès phénoménal, pourquoi ne pas tenter l’équivalent slave ? Dvorak accepte, mais au lieu de puiser directement dans le répertoire populaire, il compose des thèmes originaux, nourris de rythmes et de couleurs folkloriques. Dès leur publication, les « Danses Slaves » Op.46 (1878) et Op.72 (1886), séduisent le public européen. Elles circulent dans les salons, puis sur les grandes scènes, et deviennent rapidement un emblème de la musique tchèque. Pour le compositeur, c’est une révélation car son nom franchit les frontières, et l’on découvre en lui non seulement un orchestrateur de génie, mais aussi un créateur capable de donner une voix universelle à l’âme slave. Aujourd’hui encore, ces pages admirables figurent parmi les œuvres les plus populaires du répertoire romantique. Leur lyrisme et leur authenticité continuent de séduire, qu’elles soient jouées au piano ou portées par l’orchestre. Elles incarnent une époque où la musique se faisait porteuse d’identité nationale, tout en s’ouvrant à l’universel. A la tête de l’Orchestre Philharmonique Tchèque, Sir Simon Rattle ne retrouve guère l’énergie qui faisait, notamment, tout le prix de la version Szell, pour ne citer qu’elle. Sa direction pesante n’apporte rien de neuf à une discographie pléthorique.
Jean-Jacques Millo |