Figure tutélaire du romantisme scandinave, Niels Wilhelm Gade (1817–1890) reste trop souvent cantonné à ses œuvres orchestrales. Ce nouveau CD, confié à la pianiste allemande Marie-Luise Bodendorff, propose une traversée sensible de son univers pianistique, entre lyrisme discret, élégance formelle et poésie intime. Le programme s’articule, notamment, autour de trois cycles majeurs : 3 Klavierstücke (1837), pièces contrastées, du Prestissimo fougueux à l’Idylle rêveuse, révélant une écriture déjà affirmée. Kleine Claviergeschichte (1839), miniature narrative en fa mineur, subtilement construite. Aquarellen, Op. 19 vol 1 et vol 2 (1849–1850) dix "petites images sonores" réparties en deux cahiers, aux titres évocateurs (Élégie, Scherzo, Barcarole, Capriccio…), qui rappellent les « Romances sans paroles » de Mendelssohn ou les « Kinderszenen » de Schumann, tout en conservant une couleur nordique propre à Gade. Formée à Hanovre et Copenhague, Marie-Luise Bodendorff connaît intimement ce répertoire. Son jeu, d’une grande clarté, privilégie la respiration du phrasé et la transparence des textures. Elle évite tout excès romantique pour mieux laisser parler la simplicité mélodique et les subtilités harmoniques de ces pages admirables. Cet album constitue une contribution précieuse à la redécouverte du piano romantique nordique. Il séduira les mélomanes curieux, les pianistes en quête de répertoire hors des sentiers battus, et les audiophiles sensibles à l’élégance sonore. Une parution à saluer, tant pour son contenu que pour son exécution.
Jean-Jacques Millo |