Avec ce deuxième volume de leur intégrale des symphonies de Ludwig van Beethoven (1770-1827), l’Orchestre Consuelo et son fondateur Victor Julien-Laferrière confirment une approche singulière : celle d’un Beethoven vivant, mobile, respirant, loin des lectures monumentales bien connues des mélomanes. L’effectif réduit, proche de celui des orchestres viennois du début du XIXe siècle, permet une transparence polyphonique remarquable, notamment dans les contrechants des bois et les dialogues de pupitres. La Symphonie n°5 trouve ici une tension organique vibrante, tandis que la Sixième, « Pastorale », est sans doute le sommet du disque. Julien-Laferrière y déploie une palette de couleurs naturelles, avec un sens du phrasé qui évoque les lieder de Schubert plus que les paysages picturaux. La Huitième, souvent reléguée au rang de symphonie mineure, est ici réhabilitée comme un chef-d’œuvre d’ironie et de virtuosité rythmique. Ce triptyque symphonique s’inscrit dans une période cruciale pour Beethoven : celle de la surdité irréversible, mais aussi de la maturité stylistique. La Cinquième et la Sixième furent créées lors du même concert-marathon à Vienne, le 22 décembre 1808. Ce moment, souvent qualifié de « plus grand concert de l’histoire », fut en réalité un désastre logistique, mais il marque la rupture esthétique entre le classicisme haydnien et le romantisme naissant. La Huitième, composée en 1812, est contemporaine de la fameuse lettre à l’«Immortelle Bien-aimée », et témoigne d’un Beethoven plus intime, plus joueur, qui s’éloigne des grands gestes pour explorer les plis de la forme. L’enregistrement live à l’Abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu, réalisé par B·Records, restitue avec équilibre et clarté la dynamique de l’interprétation. Le label, fidèle à son esthétique de concert, évite toute retouche excessive, laissant place aux respirations naturelles, aux petites imperfections vivantes, et à l’énergie collective du moment. Ce volume 2 confirme donc que l’Orchestre Consuelo ne cherche pas à graver une version définitive des symphonies de Beethoven, mais à dialoguer avec elles, à les réinterroger dans une perspective contemporaine, vivante, presque chambriste. Une démarche qui s’inscrit dans la lignée des relectures de Gardiner ou de Herreweghe notamment, mais avec une fraîcheur propre, portée par une génération d’interprètes qui refuse les dogmes.
Jean-Jacques Millo |