Disons-le d’emblée, « Volver » est un souffle, une mémoire, une errance douce dans les méandres de l’Amérique latine. Le pianiste Vittorio Forte y déploie un art du récit musical qui transcende les frontières, les styles et les époques. Sous ses doigts, le piano devient conteur, confident, parfois même danseur. Le choix des œuvres est audacieux sans être ostentatoire : Carlos Guastavino (1912-2000), Argentine, Ernesto Lecuona (1896-1963), Brésil, Astor Piazzolla (1921-1992), Argentine, Heitor Villa-Lobos (1887-1959), Brésil, Carlos Gardel (1890-1935), Argentine, Manuel Ponce (1882-1948), Mexique, Alfonso Leng (1884-1974), Chili, Alberto Nepomuceno (1864-1920), Brésil, Luis A. Calvo (1882-1945), Colombie… autant de noms qui évoquent des paysages sonores riches, des traditions populaires sublimées par l’écriture savante. Vittorio Forte ne cherche pas à impressionner, mais à émouvoir. Il joue comme on écrit une lettre à un ami perdu, avec pudeur et intensité. Chaque pièce semble surgir d’un souvenir enfoui : une rue de Buenos Aires au crépuscule, une fête cubaine qui s’éteint lentement, une forêt brésilienne traversée par le chant d’un oiseau invisible. La prise de son enveloppe l’écoute dans une chaleur feutrée, comme une lumière tamisée sur un vieux cliché. En définitive, « Volver » nous ramène à nous-mêmes, à ce que la musique peut encore dire quand elle est jouée avec sincérité. Un disque qui chuchote pour qu’on tende l’oreille et qu’on écoute vraiment.

Jean-Jacques Millo