Cette parution propose un programme dont l’originalité n’est pas son moindre atout. Il est consacré notamment aux œuvres pour La Campanula signées Günter Bialas (1907-1995), Torben Maiwald (né en 1978, Gyötgy Kurtag (né en 1926), Heinz Albert Heindrichs (1930-2021) et Michael Denhoff (né en 1955). Ce dernier étant également violoncelliste. La Campanula est un instrument à cordes particulier, comme en témoignait, en 2015, le musicien Georg Faust : "La Campanula a croisé mon chemin musical pour la première fois il y a près de 30 ans. Le luthier allemand Helmut Bleffert est venu me voir en 1986 et m’a présenté sa nouvelle idée d’instrument à cordes. Comme la forme de l’instrument est tirée de la campanule, il l’a nommé du nom latin « Campanule ». Il pouvait être joué techniquement exactement comme un violoncelle classique, mais aussi comme une viole d’amour contemporaine ou un violon Hardanger, il comportait 16 cordes de résonance supplémentaires, fixées à l’avant de l’instrument. Les sons étaient incroyables et très intrigants. À cette époque, j’étais extrêmement occupé, car je venais de commencer comme violoncelle solo de l’Orchestre philharmonique de Berlin sous la direction d’Herbert von Karajan. J’ai également été le leader des 12 violoncellistes de l’Orchestre philharmonique de Berlin et je me produisais beaucoup en tant que chambriste et soliste. À ce moment-là, je ne voyais pas comment intégrer les différentes options sonores de la Campanula dans ma vie professionnelle. Lorsque j’ai quitté l’Orchestre philharmonique de Berlin il y a trois ans, mon imagination musicale s’est libérée et je me suis souvenu de la Campanule. Entre-temps, Helmut Bleffert avait fait de cet instrument une invention musicale mature. Après une rencontre très touchante avec l’instrument, j’ai compris que le moment était venu d’enquêter sur le message musical et humain de la Campanule. Au début, les cordes qui résonnent donnent l’impression de jouer dans une grande cathédrale. Vous commencez à écouter intensément les échos des cordes, ce qui rend immédiatement votre jeu plus lent et plus attentif. Il faut du temps pour apprendre à intégrer les sons joués et les résonances. Les phénomènes sonores sont très colorés et assez imprévisibles, ce qui signifie que la Campanule est un instrument idéal pour fantasmer et improviser. C’est un moyen d’inspiration et, pour moi, un pas dans un nouveau concept d’expériences musicales qui influencera les joueurs aussi bien que les auditeurs. Entre-temps, Helmut Bleffert a également développé des violons et des altos Campana, qui présentent des qualités sonores similaires. Avec chaque nouvel instrument, il explore pas à pas des nuances toujours plus grandes de variations sonores. Jouer un trio à cordes ou un quatuor d’instruments Campanula est tout simplement magique. Les sons semblent parfois prendre une vie propre et transporter le joueur dans d’autres dimensions sonores. Les résonances semblent être partout. J’ai entendu et joué de la musique de chambre de différents genres sur ces instruments et je suis fasciné par les effets. La Campanule est de plus en plus reconnue ces jours-ci. Je suis très convaincu que la Campanule est prête à monter sur scène et à enrichir nos vies musicales. Comme tout joueur de cordes classique peut simplement prendre une Campanula et jouer sans avoir à apprendre de nouvelles techniques, elle offre une merveilleuse option pour de nouvelles expériences musicales." Voilà un témoignage précieux qui ne peut que piquer la curiosité des mélomanes. Ce SACD, avec Michael Denhoff en maître d’œuvre, est indispensable pour prolonger cette découverte.
Jean-Jacques Millo |