Voici une représentation filmée au Teatro Filarmonico de Vérone en février 2002 dans une mise en scène de la famille Alagna. Paillasse (en italien Pagliacci, qui signifie « Les clowns ») est un opéra en deux actes écrit et composé par Ruggero Leoncavallo, créé le 21 mai 1892 au Teatro Dal Verme à Milan. L’opéra évoque, à travers la vie d'une troupe de commedia dell'arte, la condition des comédiens de théâtre qui doivent en toute circonstance faire bonne figure en scène, quelles que soient les difficultés de leur vie privée. Ce paradoxe est incarné par le fameux air « Ridi Pagliaccio » (« Ris donc, Paillasse »), où le comédien Canio, qui vient de connaître une déception sentimentale, exhorte son propre personnage à paraître joyeux sur scène. Evidemment, il déborde de son rôle et tue sa femme lors d’une représentation. Nous sommes alors en pleine tragédie avec la fameuse duplication du rôle où la fiction rejoint la réalité et la réalité rattrape la fiction. Il faut dire qu’ici les décors sont crédibles. La distribution est remarquable et cohérente, Svetla Vassileva est une convaincante Nedda, Alberto Mastromarino un excellent Tonio, Enrico Marrucci un étonnant Silvio et Feancesco Piccoli un Beppe non moins remarquable, mais c’est évidemment Roberto Alagna en Canio qui surpasse tout le monde. Il paraît même inquiétant dans ce rôle où il s’investit totalement, notamment dans la scène finale. Cela en est à frémir. Il confirme simplement qu’il est l’un des meilleurs chanteurs du moment. Viekoslav Sutej à la tête de l’ Orchestre des Arènes de Vérone parvient à transcender la partition dans sa direction et à lui donner une urgence tragique.

Yannick Rolandeau