Opus Haute Définition e-magazine

W. A. Mozart

Don Giovanni

Eugene Perry, Herbert Perry, Dominique Labelle, Ai Lan Zhu. Wiener Symphoniker. Craig Smith (direction)

Decca 071 4119, Universal Distribution

2 DVD stéréo / DTS

En regardant cette mise en scène de Peter Sellars, je ne cessais de me demander comment ce dernier avait-il fait pour en arriver là, c'est-à-dire à transposer l'opéra de Mozart dans les rues de Haarlem avec bandes rivales et arrière-plan social à la mode ? Comme nous sommes aux Etats-Unis, on a en plus le côté melting pot où toutes les principales communautés sont représentées, des hommes blancs aux noirs, en passant par les chinois, espagnols etc. Là encore, nous sommes dans le cliché du populaire et dans la tendance de ce qu'on appelle en France la « minorité visible ». Enregistrée en 1990, cette production, quinze ans plus tard, accuse tous les travers de cette idéologie politiquement correcte. Mozart méritait-il cela ? D'autant qu'on n'arrive pas à comprendre la pertinence de cette transposition, sans parler du décalage grotesque entre les paroles prononcées dans l'opéra et ce qu'il se passe à l'écran. C'est dire que très vite on se désintéresse de la trame narrative pour être « agressé » par le contexte polar social totalement hors de propos. Autant dire que l'on n'y croit pas une seconde. Alors je ne vous raconte pas quand Don Giovanni chante « Viva la liberta ! » torse nu et en slip ! Le fou rire nous prend devant tant de ridicule. Peter Sellars manque d'audace, il aurait dû « oser » la provocation gratuite, le mettre tout nu. Niveau vocal, on évite le désastre mais Eugene Perry en Don Giovanni et Herbert Perry font tout de même bien pales figures si j'ose dire d'autant qu'ils sont frères jumeaux, ce qui complique non seulement tout mais souligne le gémellité du propos. Aussi pertinent que de faire un flacon de parfum en forme de corps féminin ou masculin. La suggestion est-elle en train de mourir ? Dominique Labelle en Donna Anna, Lorraine Hunt en Donna Elvira et Ai Lan Zhu restent moyennement convaincantes. Et cela ne s'arrange pas car Craig Smith à la tête du Wiener Symphoniker est très mou, cela s'entend dès l'ouverture de l'opéra. En bref, si ces représentations firent scandale, ce n'était pas pour la pertinence de la mise en scène mais pour impressionner en mettant Mozart à la sauce cool. Un beau ratage. A noter qu'il n'y a que les sous-titres en anglais, ce qui, éditorialement parlant, n'arrange pas l'affaire.

Yannick Rolandeau

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