"C’est à Paris, en 1954, que le compositeur argentin Astor Piazzolla (1921-1992) reçoit le premier prix de composition Fabien-Sevitzky et obtient une bourse pour aller étudier avec Nadia Boulanger qui lui enseignera l’art du quatuor à cordes. A la tête du Conservatoire américain de Fontainebleau, la grande dame a permis à toute une génération de compositeurs de s’affirmer sur la scène internationale comme notamment Quincy Jones, Lalo Schifrin, Aaron Copland, Leonard Bernstein ou Philip Glass. A Paris, Piazzolla maîtrise déjà l’écriture néo-classique grâce à Alberto Ginastera. Mais il lui manque l’essentiel : la personnalité et la révélation. Il veut être Bartók, Stravinsky. À la fin de son année d’études, Nadia Boulanger critique le manque de personnalité de ses compositions et lui demande ce qu’il faisait avant de venir chez elle. Piazzolla lui révèle qu’il était bandonéoniste et qu’il a écrit des tangos. Elle lui demande de jouer une de ses compositions. Il joue Triunfal. Elle s’emploie alors à mettre en lumière chez lui un concept très à la mode à cette époque comme en d’autres : utiliser les musiques populaires comme un inépuisable vivier d’idées, tout en l’enrichissant d’un langage évolué et contemporain. Les paroles de Nadia Boulanger bouleversent tellement Astor Piazzolla qu’il se met à travailler comme un forcené" pour parvenir à ses fins. Il est important de rappeler cette période (voir wikipédia), pour comprendre ce qu’Astor Piazzolla ne fut pas, et ce qu’il advint : un compositeur limité. Dans sa collection spéciale, le label HD Klassik propose "un hommage symphonique" avec "Sinfonietta" de 1953 pour orchestre de chambre, "Adios Nonino", "Tangazo", "Les quatre saisons de Buenos Aires" pour bandonéon et orchestre à cordes, et pour finir "Oblivion". Bien que surestimé, le compositeur Astor Piazzolla n’en demeure pas moins attachant. Ce nouvel enregistrement nous le prouve avec brio. Hélas, d’un engagement interprétatif timide, les musiciens en présence, eussent été plus inspirés de prendre à bras-le-corps les œuvres abordées, pour délivrer l’énergie qu’elles possèdent. Mais ici, tout cela demeure bien sage.
Jean-Jacques Millo |