Voir et écouter des grands chefs d’orchestre en répétition est toujours un spectacle un peu particulier dans le sens où l’on a l’impression d’assister (sans bien comprendre ce à quoi on assiste par la même occasion…) à un moment crucial, celui où la musique se tisse peu à peu pour être exécuter un peu plus tard en concert. Je devrais même dire où les sons sont orchestrés pour devenir musique ! Bien sûr, nous ne sommes pas dans l’atelier du créateur, en l’occurrence celui du compositeur, mais dans l’anti-chambre ou presque. Voici ici en tout cas, deux grands chefs, Karel Ancerl (1908-1973) et Hermann Scherchen (1891-1966) au travail. Le premier a été l’un des plus grands chefs d’orchestre tchécoslovaques du XXeme siècle et le directeur artistique du philharmonique tchèque de 1950 à 1968, nous ayant donné des enregistrements magnifiques. Peut-être moins connu, le second est pourtant l’un des plus grands chefs de tous les temps. Il fut aussi un pédagogue et un compositeur. Chef d’orchestre en 1914 du Riga Symphony Orchestra, il fonda the New Music Society, succéda à Wilhelm Furtwängler à la tête des concerts du Frankfurt Museum. Il quitta l’Allemagne en 1933, créa divers orchestres à Bruxelles ou à Vienne, puis après la seconde guerre mondiale, fut chef d’orchestre du Zurich Radio Orchestra, puis du North-West German Philharmonia. Bref, ces enregistrements issus de la télévision canadienne (du 5 février 1969 pour Ancerl et du 1er juin 1966 pour Scherchen, peu avant la mort de ce dernier) sont absolument passionnants. Alerte, vif, fin et précis, Karel Ancerl dirige avec un sens extraordinaire du détail. Totalement différent, plus austère, mais tout aussi méticuleux, Scherchen dirige le CBC Toronto Chamber Orchestra d’une main de fer. Spectacle hautement réjouissant et captivant de bout en bout. Hélas, pour le public français, aucun sous-titre n’est disponible.

Yannick Rolandeau