A l'heure où certains se plaisent à haïr la religion en confondant tout et son contraire, il est piquant de voir un DVD où Dieu et Jésus Christ sont clamés et chantés avec autant d'entrain, de joie et de ferveur par des noirs (je dis bien noir et non « black » pour faire politiquement correct). Que diraient nos complaisants athées ? Nous voici donc en plein Gospel ! Les réalisateurs Régine Abadia et Joseph Licidé ont préféré une approche simple et concrète, de l'intérieur de la communauté noire et non une approche musicologique, critique ou analytique. On peut leur faire le reproche peut-être, de ne pas avoir su mêlé les deux en vérité, ce qui nous aurait offert en même temps une immersion et un recul sur le gospel en général, ne serait-ce que pour comprendre ce dont ils parlent sur une carte plus étendue que le petit contexte local. Comprendrions-nous Bartok ou Janacek en les immergeant dans le contexte hongrois ou tchèque uniquement ? Evidemment non, mais ce n'est guère étonnant à l'heure où « le populaire » est sacré et a le vent en poupe. Ici, on n'a pas de référent qui nous permettrait de comprendre les différentes racines de ce que l'on entend. C'est un peu dommage. À part cela, le documentaire est remarquable dans ce qu'il parvient à communiquer des personnes qu'il filme. Il sera difficile de remettre en cause le manque de conviction ou de chaleur des protagonistes. Il faut d'ailleurs dire à quel point leur foi, leur chaleureux engagement, leur humour aussi, pour la plupart, est indissociable de leur chant et de leur musique. Vous aurez beau y faire, c'est inséparable si vous aviez la tentation d'opérer une quelconque séparation. C'est le point fort de ce documentaire que de sceller les deux en un beau bloc de granit. Nous voyons ainsi défiler Willie Neal Johnson & the Gospel Keynotes, Ethel Holloway, le révérend Aubrey Ghent et les Campbell Brothers ainsi que le révérend Elder Roma Wilson, un homme de 90 ans (écoutez-le chanter en s'accompagnant à l'harmonica !). Le morceau de choix, pour ma part, est le chant des Helping Hand Gospel Singers, un formidable groupe a cappella qui joue dans une des nombreuses petites églises de Brooklyn. Le passage le plus étonnant est ce chanteur du Gospel Keynotes, littéralement «possédé» qui chante vers la fin du documentaire. Impressionnant.
Yannick Rolandeau |