Après le Cosi fan tutte de Harnoncourt mis en scène par Ponnelle, voici celui de Smith et de Sellars. Soit dit en passant, il est même assez rare que le metteur en scène soit plus connu que le chef d'orchestre, en l'occurrence ici Peter Sellars. La comparaison entre les deux versions est assez cruelle pour Sellars, et pas seulement pour le décor, un snack-bar en Floride. Tout d'abord, cette version modernisante n'a pas de chanteurs ou de chanteuses aussi époustouflants qu'Edita Gruberova par exemple. Susan Larson en Fiordiligi, Janice Felty en Dorabella sont assez loin d'égaler les interprètes de la version d'Harnoncourt. Sue Ellen Kuzma en Despina est une aberration de casting tant elle est loin du rôle d'origine, surtout étant donné l'importance de sa présence. On attendrait quelqu'un de léger et de mutin, non une femme âgée et austère. La prise de son est assez quelconque pour l'époque et l'image vidéo ne vaut pas la pellicule-cinéma 35mm que déploie fastueusement Unitel. Cela saute aux yeux et aux oreilles. A part cela, question décors (la version Ponnelle étant somptueuse) moderniser une oeuvre, à fortiori du XVIIIe siècle peut être pertinent si l'on trouve l'astuce et si l'on n'en fait pas un leitmotiv permanent comme cela arrive trop souvent de nos jours. Or, Peter Sellars semble peiner à trouver le ton juste. On attendait, avec le cadre du snack bar, une mise en perspective de l'opéra de Mozart et des « nouveaux » rôles amoureux que les hommes et les femmes s'imposent de nos jours mais c'est à peine esquissé. C'est vraiment dommage car il y avait là sans doute quelque chose à tenter. Trop souvent, la direction d'acteurs semble faire dans l'excès (voire la gaudriole) et les chanteurs et chanteuses surjouent, surtout les rôles masculins. Craig Smith à la tête du Wiener Symphoniker se révèle assez terne dans sa direction d'orchestre, même par rapport à Harnoncourt en général assez peu “généreux”. En fait, me suis-je dit à un moment, c'est la version de Ponnelle qui est réellement moderne... A noter que le DVD ne possède que des sous-titres en anglais... Etrange.
Yannick Rolandeau |