Opus Haute Définition e-magazine

W. A. Mozart

Cosi Fan Tutte

Edita Gruberova, Delores Ziegler, Ferruccio Furlanetto, Luis Lima, Teresa Stratas, Paolo Montarsolo. Wiener Philharmoniker. Nikolaus Harnoncourt (direction)

Deutsche Grammophon , Universal Distribution

2 DVD stéréo / DTS

Voici le dernier opéra de Mozart que Jean-Pierre Ponnelle mis en scène sans parvenir hélas à faire l'intégrale qu'il s'était donné d'accomplir. Réalisation très controversée mais que je trouve, pour ma part, superbe. Formidable opéra de Mozart sur le désir, l'être humain étant toujours tiraillé entre deux choses : choisir l'amour et nous voilà exclus du monde des tentations ; choisir le monde des tentations et nous voilà exclut du songe rêvé de l'amour. La force de Ponnelle, outre sa mise en images soignée car ici décors et costumes sont superbes contrairement à ce qu'on dit, est là aussi pour la trouvaille géniale qui mérite d'être exposée : à un moment, Dorabella démasque Guglielmo, ce qui implique, tout en lui retirant sa moustache et barbe postiche, qu'elle est tout à fait consciente de ce qu'elle fait ! C'est-à-dire qu'elle couche avec l'amant de sa soeur en toute impunité. J'irai même jusqu'à dire que c'est précisément pour cette raison que Dorabella succombe réellement (selon la théorie du désir mimétique de René Girard, parfaitement « illustrée » par Shakespeare dans un de ses Sonnets : « Tu l'aimes, elle, car tu sais que je l'aime. ») L'implication d'un tel élément est d'une rare pertinence, tout à fait dans le prolongement de l'oeuvre. Ce que Mozart et Da Ponte n'ont pas réalisés à leur époque, Ponnelle y parvient évidemment sans peine mais encore fallait-il y songer aussi élégamment. Et, faut-il le dire encore, aussi cruellement pour les personnages quant à la réalité du désir que cet opéra interroge... Qui a dit que Ponnelle faisait dans le kitsch ? Il y aurait tant à dire. Edita Gruberova en Fiordiligi et Delores Ziegler en Dorabella sont parfaitement à leur place et vocalement superbes. C'est moins accompli du côté de Ferruccio Furlanetto en Guglielmo et Luis Lima en Ferrando. Mais rien de catastrophique. Là, où le bât blesse, c’est plutôt du côté de Paolo Montarsolo en Don Alfonso qui a parfois bien du mal à être juste. C'est fort dommage. Teresa Stratas en Despina est remarquable mais on l'aurait préférée plus espiègle, plus mutine encore. Ponnelle, que je critiquais par ailleurs pour son naturalisme, réintroduit de l'artifice avec cette mer en plastique qui nous renverrait à Federico Fellini. Il y a de quoi jubiler... Ce Cosi Fan Tutte n'est sans doute pas sans défaut mais il possède de très grandes qualités qui prolongent l'oeuvre originale et ça, c'est plutôt rare. Pour cette raison, il est indispensable.

Yannick Rolandeau

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