Il y a des enregistrements discographiques qui laissent une impression tangible de la musique qu’ils proposent. Et bien au-delà de tous les crépuscules, bien au-delà de tous les « Clairs de lune » celui-ci est un de ceux-là. Sous le signe de la lumière de l’astre blanc, les œuvres abordées dans leur nouvelle conception, voire leur nouvelle vision sont une source de beauté indéniable. En effet, le Quatuor Manfred (Marie Béreau et Luigi Vecchioni aux violons, Emmanuel Haratyk à l’alto, Christian Wolff au violoncelle) s’empare des « Nuits d’été » Op.7 d’Hector Berlioz et de « Six mélodies » de Gabriel Fauré pour en faire une version pour voix et quatuor à cordes signée Emmanuel Haratyk. Ce dernier s’en explique en déclarant : « Après plus de trente ans d’intense activité, le répertoire que notre quatuor a aimé, exploré et défendu, est particulièrement vaste. Plusieurs singularités s’y expriment, et l’une d’entre elles se trouve mise en lumière dans cet enregistrement : notre passion pour le répertoire avec voix ». Outre les Mélodies, le quatuor Manfred propose également le Quatuor à cordes en mi mineur Op.121 de Gabriel Fauré. L’œuvre d’un octogénaire qui n’avait jamais jusque là abordé le genre. « Il l’a évité sa vie durant, nous dit Harry Halbreich, en proie à une sorte de crainte respectueuse, de complexe vis-à-vis de l’écrasant précédent beethovénien ; attitude toute semblable à celle de Brahms un demi-siècle plus tôt, ou encore à celle de César Franck n’écrivant son unique Quatuor qu’à l’extrême fin de sa vie ». La voix du ténor Jean-Paul Fouchécourt, au timbre nimbé de « fragilité », offre son expressivité vibrante aux deux compositeurs français. Néanmoins, et c’est le paradoxe de cet enregistrement, c’est surtout le traitement instrumental des œuvres qui demeure en mémoire.
Jean-Jacques Millo |