Cette nouvelle parution des Suites pour Violoncelle de Jean-Sébastien Bach ne peut être considérée comme une parution de plus, tant son sujet et sa démarche est en marge de toutes les autres existantes. En effet, la violoncelliste Marianne Dumas, jouant sur instrument baroque, propose avant tout une recherche sonore : « Je me suis rendu compte, dit-elle, que le violoncelle baroque résonne beaucoup plus lorsqu’on inverse la technique d’archet, ce qui revient à avoir à peu près le même mouvement d’archet que sur la viole de gambe ». Dés-lors, Marianne Dumas va approfondir ses connaissances en faisant « des recherches sur l’influence de la posture, du mental et de la respiration sur le son », auprès de luthiers et de spécialistes de la question : « Le premier pas est d’écouter ceux qui font de la recherche universitaire, de s’imprégner de tout ce qui a été exploré via les peintures et les écrits pour trouver le réglage de l’instrument, l’âme, le chevalet, le renversement le plus proche de l’époque. Lorsqu’on touche au son, chaque détail a une importance, il faut se fier aux règles de l’acoustique, mais aussi à l’oreille et à l’intuition », souligne Marianne Dumas. L’enregistrement qui nous occupe ici est l’aboutissement de ces recherches. Le jeu de la musicienne va bien au-delà d’une interprétation purement musicale, il est avant tout pensée, réflexion et partage ouvrant l’espace d’un monde nouveau. « Dans la musique de Bach, nous dit-elle, je trouve que l’extase se situe au niveau du divin, pas de l’émotion. On touche à une sensation d’unité d’ensemble, d’universalité. Lorsque j’ai enregistré les Suites, je n’étais que dans le son, pas dans l’émotion ». Et pourtant, le résultat respire comme un cœur en émoi, laissant s’épanouir un souffle unique jamais entendu ailleurs, qui pourra certes déconcerter par ses faiblesses interprétatives, mais qui renouvelle avec brio l’approche de partitions immortelles.
Jean-Jacques Millo |