Drame en un acte de Richard Strauss sur un texte d’Oscar Wilde, Salomé « fut son premier grand triomphe à la scène. « Sans trahir l’œuvre de Wilde dont il traduit la préciosité par des inflexions subtiles, il superpose une intensité, une violence nouvelles, et s’empare de l’auditeur dès les premières mesures pour le conduire sans répit jusqu’à la catastrophe finale. L’œuvre témoigne d’un instinct théâtral infaillible, et cache, sous les vives couleurs de son orchestration, à la fois puissante et raffinée, une grande rigueur liée à l’emploi d’un réseau de leitmotive » (Harold Rosenthal et John Warrack). La puissance est bien au rendez-vous de l’interprétation qui nous occupe ici. Dirigeant l’Orchestre de la Radio de Francfort, Andrés Orozco-Estrada emporte tout sur son passage avec parfois une violence judicieuse. Côté raffinement, c’est une autre affaire, car la « vulgarité » s’invite hélas trop souvent dans une vision courte, sans véritable but, oubliant que Salomé est un drame intime, voire intimiste. Les chanteurs en présence ne sont pas ménagés non plus par cette direction tempétueuse. Emily Mage dans le rôle titre possède un réel charisme vocal d’une rare épaisseur, Peter Bronder dans celui d’Hérode et Wolfgang Koch dans Jochanaan ne sont pas en reste non plus. Finalement, nous avons ici une Salomé de transition, en attendant la grande version moderne sur support SACD.
Jean-Jacques Millo |