Lorsque, dans ses jeunes années, Gustav Mahler se pencha sur le Lied, c’est en ces termes qu’il s’exprimait : « A cette époque, mes chants étaient tout à fait inadéquats ; pour eux mon imagination était trop sauvage et indisciplinée, car, pour déverser un vaste contenu dans une forme restreinte, c’est réellement la chose la plus difficile et qui requiert le plus grand art et la plus complète capacité ». L’enregistrement qui nous occupe ici propose les cycles de Lieder bien connus des mélomanes, « Lieder eines fahrenden Gesellen », « Rückert-Lieder », et « Kindertotenlieder ». Qui, par ailleurs, fit dire à Alma : « Je peux bien comprendre que l’on compose de si terribles textes quand on a pas d’enfants, ou quand on a perdu des enfants… Mais je ne peux comprendre que l’on puisse chanter la mort d’enfants quand, une demi-heure auparavant on a serré et embrassé les siens, gais et en santé. Je lui ai dit alors : « Pour l’amour de Dieu, tu peins le diable sur la muraille ! ». La mezzo-soprano Alice Coote incarne avec ferveur et passion ces textes inoubliables, soutenu de mains de maître par un Marc Albrecht attentif et inspiré. Dans une prise de son à l’équilibre idéal, ce SACD offre une des plus belles approches de la musique pour voix du compositeur autrichien.
Jean-Jacques Millo |