Disons-le d’emblée, la « Passion selon Saint-Jean » qui nous est proposée ici est une véritable réussite d’une fraîcheur interprétative comme on en attendait plus. « Les Passions de Bach mélangent textes sacrés et poésies madrigalesques, souligne Edmond Lemaître, avant d’ajouter que Les paroles évangéliques s’inscrivent dans trois éléments : récitativo secco du ténor-évangéliste ; chœur de la foule (turba) et récitatifs ou ariosos des personnages principaux (soliloquentes). Les paroles inventées affectent plus particulièrement les airs, qui se dégagent du drame et apportent un moment de réflexion, mais aussi les ariosos et les récitatifs ; toutes ces pages reviennent à un contemplateur pieux et anonyme. Il y a enfin le choral liturgique qui est le reflet des sentiments de la chrétienté. Les Cantiques se présentent sous une simple forme harmonisée, homophone, et les instruments qu’ils réclament ne font que doubler les voix. Enfin, il faut signaler que, depuis longtemps, la rhétorique musicale confiait à la voix de basse le soin de personnifier le Christ. C’est évidemment à ce registre que revient le rôle de Jésus, mais dans la Passion selon Saint-Jean celui-ci n’est jamais soutenu que par le continuo (tout comme le ténor-évangéliste) alors que dans la Passion selon Saint-Matthieu, ses récitatifs s’accompagnent du quatuor à cordes. C’est là un des moyens les plus sûrs pour distinguer les deux œuvres ». Avec une ardeur de chaque instant, Rainer Johannes Homburg atteint des sommets de beauté formelle, notamment avec le Stuttgarter Hymnus-Chorknaben et des chanteurs remarquables. L’ensemble le Handel’s Company soutient avec précision et fougue un discours musical des plus envoûtants, même si parfois la lisibilité des pupitres se perd dans l’élan général. Bref, voici une Saint-Jean, sur support SACD, qui ravira nombre de mélomanes.
Jean-Jacques Millo Let it be said from the start: the “Saint-John’s Passion” here proposed succeeds in its interpretative freshness, the likes of which we no longer hear. “The Passion of Bach mixes sacred texts and madrigalesque poetry,” states Edmond Lemaître, before adding that “The evangelic words are part of three elements: simple recitative by the tenor evangelist; choir of the crowd (turba), and recitative or arias of the principal characters (soliloquies). The invented words most particularly affect the airs, which result from the drama and bring a moment of reflection, but also the arias and recitatives; all of these pages reoccur to the pious and anonymous thinker. Finally, there is the choral liturgy which is the reflection of Christian sentiments. The Canticles present themselves in a form that is harmonized, homophonic, and the instruments they require just double the voices. Finally, one must say that, for a long time, the musical rhetoric gave the bass voice the job of personifying Christ. It is obviously on this register that the role of Jesus returns, but in Saint John’s Passion this is never supported by the continuo (just like the evangelic tenor), whereas in Saint Mathieu’s Passion, its recitatives are accompanied by a string quartet. This is one of the surest ways of distinguishing the two works.” With fervor at each moment, Rainer Johannes Homburg attains heights of formal beauty, notably with the Stuttgarter Hymnus-Chorknaben and its remarkable singers. The group Handel’s Company supports an enchanting musical discourse with precision and fugue, even if on occasion individuals get lost in the general momentum. In short, here is a Saint John, on SACD, which will thrill many a music lover.
Translation Lawrence Schulman |