Quand son travail de professeur de chimie le lui permettait, Alexandre Borodine composait. Il laissa ainsi des œuvres de musique de chambre d’un grand intérêt. Sa partition de jeunesse, le Quintette à Cordes en fa mineur pour deux violoncelles ne fut exhumée qu’en 1960. A l’évidence il est placé sous l’influence de Mendelssohn et son langage généreux ne peut masquer un manque d’originalité. Le premier Quatuor à Cordes en la majeur nous est plus précieux. Page beaucoup moins célèbre que le suivant qui possède un nocturne de toute beauté, il sera élaboré sur plusieurs années pour voir enfin le jour dans sa version définitive en 1879. Le Kocian Quartet nous offre ici une prestation des plus enthousiasmantes. Avec une expressivité soutenue de bout en bout, une palette de coloris où chaleur et volupté sont intimement liées, les quatre musiciens font vibrer une musique chantant la Russie d’hier et qui semble aujourd’hui hélas de plus en plus lointaine. Le charme est là, présent, indéniable, se nourrissant de couleurs chatoyantes au cœur d’un univers perdu. Les Kocian sont alors les révélateurs d’une musique envoûtante, semblant, tout à coup, se délivrer d’un passé plus lourd que mystérieux. Le plaisir est au rendez-vous, sans équivoque, dans sa pureté même. Avec une prise de son, comme toujours exemplaire, ce Super Audio CD Stéréo et multicanal en pur DSD est un réel bonheur.

Jean-Jacques Millo