Opus Haute Définition e-magazine

W. A. Mozart

La flûte enchantée

Algina Shagimuratova, Günther Groissböck, Saimir Pirgu, Genia Kühmeier. Orchestra and chorus of the Teatro alla Scala. Roland Böer (dir)

Opus Arte OA BD7099 D, Codaex Distribution

Blu-ray disc. Dolby TrueHD. DTS

Avant dernier opéra de Mozart, La Flûte enchantée est en effet un enchantement, fort différent évidemment des chefs-d’œuvre comme Don Giovanni ou Cosi Fan tutte. Mozart se fait sans doute moins « sérieux » mais tout aussi léger et profond. Le metteur en scène a l’idée ici de faire des projections numériques. Le récit « féerique » a toujours attiré les artistes. Kart Friedrich Schinkel signa les décors à Berlin vingt ans après la première représentation de l’opéra à Vienne. Depuis 1945, il a été suivi d’une série de peintres (Oskar Kokoschka, Marc Chagall., David Hockney). Le metteur en scène William Kentridge (né en 1955) a développé une méthode d’animation utilisant des dessins au fusain successifs sur la même feuille de papier. Une série fondée sur L’Embarquement pour Cythère de Watteau l’a conduit vers le cinéma, le théâtre et ensuite l’opéra. Fondateur de la junction Avenue Theatre Company à Johannesburg dans les années 1970, il a étudié la pantomime à l’École Jacques Lecoq à Paris dans les années 1980 avant de commencer à travailler avec la Handspring Puppet Company en 1992 sur une série d’opéras, dont une adaptation d’il ritorno d’Ulysse de Monteverdi. « En travaillant sur l’opéra, j’ai compris que c’était comme un regard critique sur les possibilités et les limites des Lumières — la lumière qui dissipe l’ignorance. Il y avait quatre éléments : la scène, l’orchestre, les chanteurs et les projections. Il me fallait trouver un équilibre pour éviter que ces projections n’aient trop de force et, quand les chanteurs avaient quelque chose d’important à dire, qu’on ne regarde uniquement la projection. Il était donc nécessaire de connaître très tôt la vision de la musique qu’avait le chef.» nous dit le metteur en scène dans le livret. L’histoire, la philosophie de l’opéra, est racontée au moyen de la métaphore visuelle de l’image en négatif — blanc sur noir; reflétant la présentation dans le drame du bien et du mal. Les projections vidéo se passent dans le fond sur différents niveaux ou sur tout le décor. Mais pourquoi projeter l’opéra dans le monde du colonialisme et de l’exploration du XIXe siècle ? Sans doute parce qu’il est Sud-Africain ? Mais que vient faire cette transcription idéologique de ses origines dans la mise en scène ? Sans doute par politiquement correct. Que ferait-il en jazz du aux méfaits du colonialisme ? Il faudrait sans doute le supprimer. Visuellement, ce n’est pas désagréable et on a l’impression de se promener dans une lanterne magique. C’est donc mieux que les horribles décors modernisant car au moins William Kentridge se sert de la technique sans trop faire kitsch par rapport à elle. Le problème est de revenir quelque part aux dessins de la lanterne magique, ce que cette dernière faisait très bien sans le numérique... Néanmoins c’est hors de propos par rapport au fond. Quant aux interprètes, ils restent excellents et s’en tirent fort bien par rapport à la difficulté de l’interprétation dans un tel opéra. Dommage que le metteur en scène ait cédé aux sirènes de l’époque…

Yannick Rolandeau

Disponible surCodaex
Visuel