La symphonie n° 5 de Piotr Ilych Tchaikovsky est certainement son œuvre orchestrale la plus intime, personnelle, autobiographique voire mystérieuse, beaucoup plus que la sixième "pathétique". Durant sa composition, le célèbre compositeur russe avait d'ailleurs ébauché un programme, notamment pour le premier mouvement: "Introduction. Soumission totale au Destin ou, ce qui revient au même, aux desseins impénétrables de la Providence. Allegro. I/murmures, doutes, lamentations, reproches à XXX. II/Dois-je me réfugier dans l'étreinte de la foi ??? Programme merveilleux, si tant est qu'il puisse être réalisé". Pour ce second Super Audio CD avec l'orchestre de Philadelphie, Christoph Eschenbach nous donne une interprétation inspirée, aux tempos larges, rappelant ainsi les divines lenteurs du dernier Bernstein dans ses ultimes enregistrements. Avec ses couleurs chaudes et profondes, l'orchestre américain se fait l'image du monde intérieur, tourmenté de Tchaïkovsky en gommant quelque peu la noirceur du message romantique. En complément de cet excellent enregistrement, Eschenbach se met au piano (en studio) pour la moitié des "Saisons", sommet de l'oeuvre pianistique de l'auteur du Casse Noisette. Dans une belle prise de son ouvrant l'espace, à la respiration généreuse, à défaut d’être indispensable, ce disque est une bonne surprise.

Jean-Jacques Millo