Pour notre plus grand bonheur, les miracles mozartiens de René Jacobs se suivent et se ressemblent. Après un époustouflant Cosi fan tutte et des Noces de Figaro décapantes, voici une Clémence de Titus pleine de verve et de feu. Composé durant la dernière année du génial compositeur, cet opéra séria fut le fruit d’une commande de la ville de Prague pour célébrer le couronnement de l’empereur Léopold II. Malgré de grandes difficultés liées à sa maladie, Mozart parvint au bout de sa tâche et présenta sa partition trois mois avant de mourir. Aujourd’hui, René Jacobs s’empare de ce joyau pour en restituer sa sève première et tordre le coup à certaines idées reçues faisant état d’un opéra inabouti, boursouflé voire bâclé. Sous sa direction, le discours musical du maître de Salzbourg acquière une nouvelle dimension en rendant aux personnages une humanité trop souvent masquée par des lectures superficielles. Ici, tout est mouvement, avancée, recherche salutaire du rythme au service d’une action dramatique de chaque instant. René Jacobs conduit son orchestre et ses chanteurs sur la voie d’une inspiration sans cesse renouvelée. Mark Padmore dans le rôle titre, mais également Bernarda Fink dans celui de Sesto ou encore Alexandrina Pendatchanska dans Vitellia, pour ne citer qu’eux, participent de cette osmose liant le cœur à l’âme, la passion au sang, l’ardeur au sentiment. Dans une prise de son ample, précise et colorée, la musique de Mozart est ici plus qu’essentielle. Jean-Jacques Millo |