« Borodine était un homme merveilleusement chaleureux et cultivé, un interlocuteur agréable et doté d’un humour particulier. En arrivant chez-lui je le trouvais fréquemment au travail dans son laboratoire, situé à côté de son appartement. Lorsqu’il était assis devant ses alambics remplis de je ne sais quel gaz incolore, et qu’il le transférait au moyen d’un tuyau d’un récipient dans un autre, je lui disais qu’il brassait du vide. Le travail terminé, il rentrait avec moi dans son appartement, et nous entamions des activités ou des conversations musicales, au milieu desquelles il lui arrivait de se lever d’un bond et de courir au laboratoire pour vérifier si quelque chose ne s’y était pas carbonisé ou évaporé, tout en faisant retentir le corridor d’incroyables marches harmoniques en successions de neuvièmes ou de septièmes, puis il revenait et nous reprenions la musique entamée ou la conversation interrompue ». C’est ainsi que Rimski-Korsakov décrit, dans ses mémoires, le début de sa relation avec l’auteur du « Prince Igor ». Le Quatuor à cordes N°2 en ré majeur datant de 1885, la Sonate pour violoncelle et piano en si mineur de 1860, ainsi que le Quintette avec piano en ut mineur datant de 1862 sont au programme de ce SACD copieux consacré au compositeur-chimiste russe. Ce dernier, comme le souligne Pierre-Emile Barbier, « fut le seul du groupe des cinq à avoir composé une dizaine de partitions de chambre pour son propre plaisir… ». Le Quatuor Prazak, Michal Kanka et Jaromir Klepac offrent ici une approche idéale de ces pages à la fois colorées, puissantes et expressives dans lesquelles l’inspiration ne fait jamais défaut.
Jean-Jacques Millo “Bordine was a wonderfully warm and cultivated man, a pleasant conversationalist who had a special sense of humor. When I arrived at his place I often found him at work in his laboratory, situated at the side of his apartment. When he was seated before his still containing who knows what kind of uncolored gas, and he would transfer it by tube from one recipient to another, I told him he was brewing empty space. Once finished, he returned with me to his apartment, and we began activities or musical conversations, in the middle of which he might get up suddenly and run to the laboratory in order to verify if something hadn’t carbonized or evaporated, while making the corridor ring with incredible harmonic marches in ninth or seventh successions, after which he returned and we took up the music we had begun or the conversation interrupted.” This is how Rimski-Korsakov described, in his memoirs, the beginning of his relation with the author of “Prince Igor.” The String Quartet N°2 in D major, dating from 1885, the Sonata for Cello and Piano in B minor, from 1860, as well as the Quintet with Piano in C minor, dating from 1862, are on the program of this copious SACD devoted to the Russian composer-chemist. As notes Pierre-Emile Barbier, “he was the only one in the group of five to have composed a dozen chamber scores for his own pleasure…” The Prazak Quartet, Michal Kanka and Maromir Klepac here offer an ideal approach to these pages that is colored, powerful and expressive all at the same time, and during which inspiration is omnipresent. Translation Lawrence Schulman |