« Depuis un certain temps déjà, Schubert était d’humeur sombre et paraissait épuisé. Comme je lui demandais ce qu’il avait, il me répondit laconiquement : « Eh bien, vous le saurez et le comprendrez bientôt » ! En effet, il me dit un jour (en octobre 1827) : « Viens aujourd’hui chez Schober ! Je vous chanterai un cycle de lieder, qui vous donnera le frisson. Je suis curieux de connaître vos impressions. Je suis épuisé, bien plus que pour les autres lieder ». Et d’une voix chargée d’émotion, il nous chanta tout le « Voyage d’hiver ». Nous fûmes tous saisis par la sombre tonalité de ces chants ; Schober dit qu’il n’en avait aimé qu’un seul, « le Tilleul » (« Der Lindenbaum »). Schubert répliqua : « J’aime ces lieder plus que tous les autres, et vous aussi vous les aimerez ! » il avait raison : ces chants d’une tristesse si mélancolique, et que Vogl interprétait magistralement, nous transportèrent de ravissement. Il n’existe sans doute pas de lieder allemands plus beaux que ce chant du cygne. Dès lors, Schubert accusa des signes d’épuisement, sans que cependant son état soulevât des inquiétudes » ( Josef von Spaun). L’interprétation de ce chef-d’œuvre proposée ici ne peut hélas combler nos attentes. La voix chaleureuse et remarquable de Peter Harvey ne trouve que rarement le chemin de l’osmose et du partage avec le piano prosaïque de Gary Cooper. Dommage…

Jean-Jacques Millo

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