Voici deux œuvres fort méconnues qui se retrouvent propulsés en Blu-Ray. Le premier est La Cruche cassé de Viktor Ullman, mort dans le camp d’extermination de Theresienstadt en 1944. Il reprend en version courte la pièce éponyme de Heinrich von Kleist (1808). Si ces deux auteurs sont réunis ici, ils l’étaient aussi dans la vie puisque Viktor Ulmann travaillait comme maître de chapelle auprès d’Alexander Zemlinsky à Prague. Il avait pris des cours auprès d’Arnold Schönberg puis auprès de Zemlinsky. Plein d’humour, jouant du tragico-comique, La Cruche cassée raconte l’histoire d’un juge de campagne hollandais. Il doit trancher à la cour un procès de droit civil à propos d’une cruche, une pièce d’héritage brisée dans d’obscures circonstances par un inconnu qui s’est introduit dans la demeure au cours de la nuit précédente. Cet inconnu n’est autre que le juge lui-même qui effectuait une visite impromptue à la fille du plaignant, Eve dans le but de la séduire. « Il ne faut pas être juge si on n’a pas le cœur pur » dit la fin de l’opéra… Le Nain est par contre inspiré du comte d’Oscar Wilde, L’Anniversaire de l’infante (1891). L’opéra fut crée en 1922 sous la direction d’Otto Klemperer et constitue la pièce maîtresse de ce Blu Ray. L’œuvre aborde la beauté et la laideur. Le nain est ici laid et difforme mais d’un cœur généreux et avec une âme d’une grande sensibilité artistique. L’infante, fille du roi d’Espagne Philippe II est en revanche aussi belle que superficielle et aussi gracieuse que capricieuse. Thème classique sans doute mais aussi qui arrive trop souvent. Attirée par le nain, elle est fascinée par sa voix poétique. Le nain aime l’infante qui lui est inaccessible et sans savoir qu’il est laid. L’infante joue avec lui comme avec un pantin. Menina, compatissante avec le nain, craint que celui-ci ne se rende compte de sa laideur et lui défend de se rendre dans la salle du trône où il y a un miroir… Le nain outrepassera ce droit et constatera sa laideur et amoureux de l’infante, il la suppliera de l’aimer pour lui faire oublier sa laideur. Elle refusera de se lier à un animal. Thème donc fort cruel auquel l’opéra donne toute sa puissance dramatique, un peu pathos il est vrai. James Conlon y met tout talent et réussit là une direction orchestrale exemplaire. Les décors sont justes et les interprètes sont tous exceptionnels, jouant remarquablement leur rôle. Certes le nain fait plutôt figure de grand colosse noir de deux mètres (il donne cette impression) mais il ne doit pas être si aisé de trouver un interprète d’envergure pour un tel rôle. Un excellent spectacle tout de même.
Yannick Rolandeau Here are two highly unknown works that are now less so due to their release on Blu-ray. The first is The Broken Jug by Victor Ullman, who died in the Theresienstadt concentration camp in 1944. It is a shortened version of the play of the same name by Heinrich von Kleist (1808). The two are united here as they were in life, for Viktor Ulmann worked as Kapellmeister for Alexander Zemlinsky in Prague. He studied under Arnold Schönberg then under Zemlinsky. Full of humor, playing with the tragic-comic, The Broken Jug tells the story of a Dutch country judge. He must make a decision in the courtroom in a civil case involving a jug, a bequeathed piece that has been broken under obscure circumstances by an unknown person who penetrated the home the preceding night. This unknown person is none other than the judge himself who was paying an impromptu visit to Eve, daughter of the litigant, in the hope of seducing her. “One shouldn’t be a judge if one doesn’t have a pure heart,” says the end of the opera… The Dwarf is, on the other hand, inspired by Oscar Wilde’s story, The Child’s Birthday (1891). The opera was first performed in 1922 under Otto Klemperer’s direction, and is the centerpiece of this Blu-ray. The work is about beauty and ugliness. The dwarf is ugly and deformed, but his heart is generous and his soul of great artistic sensitivity. The child, daughter of the Spanish King Philippe II is, on the other hand, as beautiful as she is superficial, as gracious as she is capricious. Here is a classic theme, no doubt, but also one that all too often occurs. Attracted to the dwarf, she is fascinated by his poetic voice. The dwarf loves the child, who is inaccessible and doesn’t know he is ugly. The girl plays with him like a puppet. Menina, sympathizing with the dwarf, fears he will realize his ugliness, and forbids him from going into the King’s room where there is a mirror… The dwarf defies the interdiction and observes his ugliness. In love with the girl, he begs her to love him so he can forget his ugliness. She refuses to associate with an animal. Here then is a cruel theme to which the opera gives full dramatic power, however pathetic. James Conlon displays all his talents and succeeds in his exemplary direction. The sets are just right, and the interpreters are all exceptional, remarkably playing their roles. It cannot be denied that the dwarf gives the impression of being something of a great black giant two meters high, but it can’t be easy finding an interpreter of distinction for such a role. This is nevertheless an excellent production.
Translation Lawrence Schulman Disponible sur | |
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