S'étendant sur plus d'une quarantaine d'années, la composition des "Années de Pèlerinage" de Franz Liszt est le fruit de ses nombreux voyages. Les impressions, voire la profonde pensée qui en émerge, car l'œuvre embrasse à la fois le moi et le tout, c'est au piano que le compositeur hongrois les confia. « … mon piano, c’est pour moi ce qu’est au marin sa frégate, ce qu’est à l’Arabe son coursier, plus encore peut-être, car mon piano, jusqu’ici, c’est moi, c’est ma parole, c’est ma vie ; c’est le dépositaire intime de tout ce qui s’est agité dans mon cerveau aux jours les plus brûlants de ma jeunesse ; c’est là qu’ont été tous mes désirs, tous mes rêves, toutes mes joies et toutes mes douleurs. Ses cordes ont frémi sous toutes mes passions, ses touches dociles ont obéi à tous mes caprices… Il tient, à mes yeux, le premier rang, dans la hiérarchie des instruments ; il est le plus généralement cultivé, le plus populaire de tous ; cette importance et cette popularité, il les doit en partie, à la puissance harmonique qu’il possède exclusivement ; et, par suite de cette puissance, à la faculté de résumer et de concentrer en lui l’art tout entier ». Ainsi s’exprimait Liszt. Pour fêter le bicentenaire de la naissance de l’artiste, le label Lyrinx réédite la somme que grava la pianiste lithuanienne Mûza Rubackyté en 2003. Et le plaisir est toujours aussi vivant, aussi brûlant, l’envoûtement toujours aussi puissant face à une interprétation d’une force poétique rarement atteinte. Tout est admirablement construit dans ce flot musical intense où la passion côtoie finesse et émotion. Une émotion palpable comme le frémissement qui ne vous lâche plus et vous emmène au terme de ce voyage unique. La prise de son exemplaire en pur DSD achève de faire de cette intégrale la référence moderne du grand œuvre lisztien. A marquer d’une pierre blanche.

Jean-Jacques Millo

Covering more than forty years, the composition of “Years of Pilgrimage” by Franz Liszt was the fruit of many voyages. Impressions — even deep thoughts — emerged, for the work embraces both the one and the all. It is for the piano that the Hungarian composer wrote them for. “…My piano is for me like what the frigate is for the sailor, what the thoroughbred is for the Arab, and even more so, for my piano, up until now, is me, it is my word, my life; it is the intimate depository of everything that agitated my brain during the most heated days of my youth; it is in these that are all my desires, all my dreams, all my joys and all my pains. Its chords trembled under all my passions, its docile keys obeyed all my caprices… In my view, it holds the first place in the hierarchy of instruments; it is the generally the most cultivated, the most popular of all; this importance and this popularity, it owes them in part to the harmonic power it alone possesses; and as a result of this power, to the ability to summarize and concentrate in it all of art.” Thus spoke Liszt. To celebrate the two hundredth anniversary of the artist’s birth, the label Lyrinx is reissuing everything the Lithuanian pianist Mûza Rubackyté recorded of him in 2003. And the pleasure is still just as living, burning, the enchantment just as powerful before an interpretation of poetic force rarely attained. Everything is admirably built in this intensive musical flow wherein passion is side by side with finesse and emotion. A palpable emotion like a trembling that won’t let you be, and leads you on in this singular voyage. The exemplary sound recording in pure DSD is the bow on the box of this landmark reference of Liszt’s great work. A red-letter recording.

Translation Lawrence Schulman

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