Schubert et la musique sacrée. Voilà un sujet intéressant qui est, aujourd’hui encore, peu analysé. Et pourtant, avec ses six Messes, le compositeur autrichien aurait pu prétendre à plus d’engouement de la part des musicologues. Cependant, la messe n°6 que nous offre ce document de concert eut une gestation assez longue, puisqu’elle s’étala entre les années 1819 et 1826. Et le temps se jouant de tout et de rien, il fallut attendre l’année 1829 pour que l’ultime chef-d’œuvre sacré de Schubert soit créé, onze mois après sa mort. Au cours d’un concert datant de mars 1968, Rafael Kubelik, entouré des grandes voix de l’époque, la soprano Gundula Janowitz, l’alto Grace Hoffmann, les ténors Albert Gasner et Waldemar Kmentt ainsi que la basse Franz Crass, nous fait entendre une version placée sous le signe d’une profonde inspiration dont le recueillement n’est pas la moindre des qualités. Avec un souffle retenu dont le choeur se fait le messager, Kubelik sait comme personne restituer la mystique plus que la religiosité du jeune compositeur viennois. Et les voix en présence dégagent alors une émotion d’une grande humanité. Aujourd’hui, à l’écoute de tels témoignages nous ne pouvons plus guère le nier. Le gouffre est bien réel entre les interprétations du présent de celles du passé. Le style a disparu emportant avec lui l’humilité des musiciens face aux partitions appréhendées. Jean-Jacques Millo |