La sixième symphonie de Gustav Mahler est la seule dont l’issue est d’un pessimisme sans retour. Alma, son épouse la définissait ainsi : « Dans le dernier mouvement, il se décrit lui-même, c'est-à-dire sa décadence, ou (comme il le disait plus tard) celle de son héros. Le héros qui reçoit trois coups du destin dont le dernier l’abat comme un arbre ! Ce sont les propres paroles de Mahler… Avec les Kindertotenlieder, comme avec la sixième, il mis anticipando sa propre vie en musique ». Le chef d’orchestre Ivan Fischer, qui est, rappelons-le le fondateur de la Société Mahler hongroise et le directeur artistique du Festival Mahler de Budapest, nous livre son engouement pour le grand œuvre mahlérien en ces termes : « C’est après plus de dix ans de préparation soignées, de nombreuses répétitions, des concerts et des tournées durant lesquels la musique de Mahler a été jouée et repensée que j’ai finalement renoncé à toute inhibition et décidé de présenter un premier enregistrement Mahler avec l’orchestre du festival de Budapest ». Et le moins que l’on puisse ajouter, c’est qu’il a bien fait. Car sa version de la sixième symphonie est d’une belle maîtrise aussi bien au niveau de la mise en place que des plans sonores. Avec un orchestre aux couleurs flamboyantes, des phrasés au souffle idéal, Fischer parvient à imposer une vision de l’œuvre qui semble avant tout venir du coeur. Certes, l’aspect tragique est bien là, non pas comme une entité à part entière, dont on nous gratifie souvent, mais bien plutôt comme la conséquence de la destinée humaine. Avec une prise de son en pur DSD, admirable, ce Super Audio CD est une belle réussite. Jean-Jacques Millo |