Opus Haute Définition e-magazine

Kaija Saariaho

L’Amour de Loin

Daniel Belcher. Ekaterina Lekhina. Marie-Ange Todorovitch. Rundfunkchor Berlin. Deutsches Symphonie-Orchester Berlin. Kent Nagano (direction)

Harmonia Mundi HMC 801937.38, Harmonia Mundi Distribution

2 Super Audio CD hybrides stéréo/multicanal

Opéra en cinq actes sur un livret original d’Amin Maalouf, « L’Amour de loin » de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho narre l’histoire de Jaufré Rudel, troubadour du XIIème siècle. De cette vie d’abnégation amoureuse, elle en tire une réflexion profonde, rappelant certes, le fameux « Fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes, mais également et surtout l’ouvrage de René Girard « Mensonge romantique, vérité romanesque » dans lequel il expose sa théorie du désir mimétique. Et de fait, l’être fantasmé par le troubadour se pare très vite d’irréel. Kaija Saariaho, fait alors osciller sa musique entre la beauté cristalline du céleste et celle ardente de l’amoureux éperdu, plus terrestre celle-là. Son chant se fait soudain lumière et se confond à l’au-delà pour une communion des âmes plus que des corps. Tout ici est admirable. Et c’est bel et bien une partition essentielle du siècle naissant que nous pouvons savourer, comme une histoire proche, beaucoup plus proche qu’elle n’y paraît, comme le souligne Kajia Saariaho elle-même : « J’ai compris au milieu de la composition que c’était aussi mon histoire. J’étais à la fois le compositeur et la dame, ces deux parties en moi que j’essaye de concilier dans ma vie. Etre une femme compositeur est presque impossible, il faut de la concentration, une écoute intérieure. Pour être femme, pour être une mère, il faut être toujours disponible et efficace. Difficile d’avoir à la fois les pieds sur la terre et la tête dans le ciel ». Accompagné de chanteurs idoines, dans une prise de son en multicanal fort recommandable, Kent Nagano délivre une direction musicale à la fois habitée et fervente pour une œuvre qui fera date.

Jean-Jacques Millo

Love from Afar

An opera in five acts based on an original book by Amin Maalouf, “Love from Afar” by the Finnish composer Kaija Saariaho tells the story of Jaufré Rudel, a 12th century troubadour. She draws deeply from his life of self-sacrifice in love, and in so doing clearly reminds us of Roland Barthes’ “Fragments of an amorous discourse” but also, and above all, René Girard’s work “Romantic lie, romanesque truth” in which he exposes his theory of mimetic desire. As such, the being the troubadour fantasizes over quickly turns out to be unreal. Kaija Saariaho at that time oscillates his music between the crystalline beauty of heaven and that of the lover lost in love, a music that is more earthbound. Her song suddenly becomes luminous and blends into the eternal for a communion of souls rather than bodies. All here is admirable. And there can be no denying that the score, one of the most important of the early 21st century, must be savored, like a story close to us, much closer to us than it might seem, as Kajia Saariaho herself underlines: “I understood while I was writing that it was also my story. I was both the composer and the lady, these two parts in me that I try to reconcile in my life. To be a woman composer is almost impossible, one must concentrate, listen inside. To be a woman, to be a mother, one must always be available and efficient. It is difficult to have one’s feet on the ground and in the air at the same time.” Accompanied by worthy singers, and in a multichannel sound recording which is highly commendable, Ken Nagano provides musical direction that is both heartfelt and fervent in a work that will mark its time.

Translation Lawrence Schulman

Visuel